Kathleen Fortin : À contre-emploi
Scène

Kathleen Fortin : À contre-emploi

C’est ce qu’on appelle une nature. Qu’elle joue une escorte autoritaire dans Cheech, une jeune première atypique dans Le Songe d’une nuit d’été ou qu’elle révèle une voix au registre aussi puissant que juste dans la revue musicale Avec le temps, Kathleen Fortin passe rarement inaperçue sur scène. La rouquine comédienne est douée d’une énergie et d’un coffre étonnants. Son prochain défi la mesure à La Demande d’emploi, du Français Michel Vinaver – dont l’Espace Go avait déjà présenté un désastreux King, en 1999. Le metteur en scène René-Daniel Dubois (RDD) rêvait depuis 20 ans de monter ce texte qui est "à la classe moyenne ce qu’est à la classe ouvrière le film Les Temps modernes de Charlie Chaplin -lyrisme en moins"!

C’est ce qu’on appelle une nature. Qu’elle joue une escorte autoritaire dans Cheech, une jeune première atypique dans Le Songe d’une nuit d’été ou qu’elle révèle une voix au registre aussi puissant que juste dans la revue musicale Avec le temps, Kathleen Fortin passe rarement inaperçue sur scène. La rouquine comédienne est douée d’une énergie et d’un coffre étonnants.

Son prochain défi la mesure à La Demande d’emploi, du Français Michel Vinaver – dont l’Espace Go avait déjà présenté un désastreux King, en 1999. Le metteur en scène René-Daniel Dubois (RDD) rêvait depuis 20 ans de monter ce texte qui est "à la classe moyenne ce qu’est à la classe ouvrière le film Les Temps modernes de Charlie Chaplin -lyrisme en moins"!

Écrite en 1970, la pièce du dramaturge et ancien p.-d.g. de Gillette prend des allures prophétiques à l’heure de la "rationalisation" généralisée des entreprises. Après 23 ans de service, un directeur des ventes (Claude Prégent) a été délogé de sa firme par un "jeune loup". Soumis au questionnaire d’un chasseur de têtes (Vincent Bilodeau), "reflet de ce que lui-même était auparavant", Fage revoit ses difficultés avec sa femme (Isabelle Miquelon) et sa fille. "Nous sommes un peu dans la tête du père", explique Kathleen Fortin.

La comédienne incarne une adolescente révoltée, très happée par l’effervescence du monde de l’après-68. Et par la contestation d’un système auquel son père appartenait, avant d’en être victime… "Elle fait beaucoup de choses pour choquer ses parents: elle est enceinte d’un prince africain descendant d’une tribu anthropophage, qui vend du haschich… C’est l’incarnation de la passion, la vie, la jeunesse. Et Fage envie sa capacité de mordre dans la vie pleinement. C’est beaucoup ce qui le remet en question."

Ravie de travailler avec RDD – "un homme terriblement intelligent, mais qui n’a pas la prétention de son intelligence" -, Kathleen Fortin souligne aussi la modernité formelle de La Demande d’emploi. Tout en ruptures, à l’image de la dislocation du monde du protagoniste, la pièce déroule une savante partition où s’enchevêtrent plusieurs conversations temporellement décalées. Pas un mince défi d’apprentissage! Et tout un travail de défrichage du texte. "Il y a vraiment un fil de la pensée. C’est comme quand on se souvient d’une anecdote: on entend une voix, un nom, et oups! ça nous envoie ailleurs dans la pensée. Les images arrivent à une vitesse folle, et c’est le public qui fait son propre spectacle, finalement."

La comédienne, elle, n’a pas chômé depuis qu’elle a quitté l’École nationale de théâtre, en 1997. On l’a bientôt remarquée dans un personnage muet du Chant du dire-dire, de Daniel Danis. "C’est l’un des plus beaux rôles que j’aie eu à faire, parce que je n’avais ni mots ni gestes pour me défendre. Je n’avais que ce bouillonnement intérieur pour communiquer. C’est un défi d’être présent, surtout quand on ne parle pas. Et sans décrocher de ce qui se passe." Et Kathleen Fortin est justement douée d’une forte présence scénique. Même si le compliment l’étonne toujours! "Je me juge beaucoup, je manque de confiance. Mais je suis contente, parce que c’est vraiment mon but premier d’être totalement présente."

Ajoutez qu’on lui confie souvent des personnages au caractère très fort. Un tempérament qui ne se vérifie pas dans la réalité: on découvre une charmante jeune femme à la voix douce, bien éloignée de ces maîtresses femmes. Question de physique de l’emploi, pense la comédienne de stature imposante. "Étonnamment, ce côté qu’on me demande, en puissance, en colère, je l’ai découvert durant mes dernières années à l’École. Avant, je jouais beaucoup plus des personnages fragiles, aériens – et j’adore ça. C’est quand j’ai joué Hermione que j’ai découvert cette capacité-là. Ça me fait terriblement de bien, parce que dans la vie, si je suis un peu en colère, je me mets à pleurer! Je suis incapable d’évacuer ma colère comme je le fais sur scène. C’est sûrement un exutoire."

Heureuse de ses choix et de l’étendue de ses rôles, Kathleen Fortin regrette pourtant qu’on ne songe plus à elle pour les personnages vulnérables. "Je pense qu’on ne me croit pas capable de jouer quelque chose de très fragile. Et moi je trouve ça intéressant de voir quelqu’un réputé très fort devenir tout petit, un oiseau cassant… Un acteur, ça peut jouer n’importe quoi. Il faut juste lui en donner la chance."

Du 8 avril au 3 mai
À l’Espace Go