La Bibliothèque ou ma mort était mon enfance : Beauté bavarde
Scène

La Bibliothèque ou ma mort était mon enfance : Beauté bavarde

Avec sa nouvelle création, Gilles Maheu nous transporte dans ce lieu de tous les possibles qui l’a fait renaître à 19 ans, la bibliothèque. Le directeur artistique de Carbone 14 tenait à rendre hommage à cet endroit où le bum qu’il était a troqué ses maux contre les mots des autres. La Bibliothèque ou ma mort était mon enfance met en scène une succession de plongées dans les oeuvres littéraires chéries du poète scénique et de déplacements dans ce temple de la lecture qui lui a permis de communier avec le monde. Dommage toutefois que cet amant des mots se contente de faire naître quelques belles images et oublie de créer un univers cohérent…

Avec sa nouvelle création, Gilles Maheu nous transporte dans ce lieu de tous les possibles qui l’a fait renaître à 19 ans, la bibliothèque. Le directeur artistique de Carbone 14 tenait à rendre hommage à cet endroit où le bum qu’il était a troqué ses maux contre les mots des autres. La Bibliothèque ou ma mort était mon enfance met en scène une succession de plongées dans les oeuvres littéraires chéries du poète scénique et de déplacements dans ce temple de la lecture qui lui a permis de communier avec le monde. Dommage toutefois que cet amant des mots se contente de faire naître quelques belles images et oublie de créer un univers cohérent…

Pour savourer cette fabulation sur l’enfance, la violence et l’art, il faut d’abord accepter son rythme lent, semblable, justement, à celui des bibliothèques où les commis tamponnent et rangent les bouquins sans se presser. La lueur de chandelles ajoute une touche romantique à un espace meublé de tables, d’étagères chargées de livres et de grandes échelles, une scénographie poétique de Michel Goulet, éclairée délicatement par Axel Morgenthaler. Pour nos oreilles, Gilles Maheu a choisi des extraits de textes de Marguerite Duras, Elias Canetti, Christian Bobin, Alessandro Baricco, Albert Camus, Gabriel García Márquez, Alain Tournier, Dai Sijie et Heiner Müller, lus d’une voix apaisante – voire un brin ennuyante – par Ginette Morin. Pour nos yeux, il a imaginé un ballet de lecteurs rythmé par la très belle musique de Jacques Roy et Claude Lamothe, qui se déchaîne au violoncelle.

Les rats de bibliothèque qui hantent les lieux marchent sans but, puis déchirent un livre ou chantent Au clair de la lune sans que ces activités n’apparaissent reliées entre elles par un fil dramatique, aussi ténu soit-il. Qui sont-ils, où vont-ils, qu’essaient-ils de nous dire? Et surtout, pourquoi les extraits lus manquent-ils tant de ressort, de punch, de théâtralité? Se croisent donc sans se voir Georges Molnar, Jean-François Blanchard, Brad Denys, Katia Gagné, Yves Simard, la chorégraphe et interprète Phénix Sheau-Fon Lin et la jeune Chloé Simard (née en 1992 et déjà lectrice de Prévert et de Nelligan, affirme-t-elle dans le programme). Il faudra attendre de longues minutes avant de les voir danser, trop brièvement. Comme souvent dans les créations de Maheu, les extrêmes et les symboles (pas toujours subtils) se multiplient sur scène, entre la jeunesse et la vieillesse, le calme et la fureur, l’exubérance et la nostalgie, la sérénité et la destruction.

Parmi les moments forts de cette succession de beaux tableaux (un peu froids), mentionnons des culbutes dans les échelles, des livres qui tombent du ciel comme des bombes, deux comédiens qui se transforment en marionnettes (tandis que fusent des répliques tirées de Balzac et la petite tailleuse chinoise) et surtout une scène plus violente et animée que les autres, avec des furies qui agressent un vieil homme en chaise roulante, sur une musique des Doors.

Ces images-chocs arrivent à point, secouant un public bercé par la lecture d’extraits littéraires poétiques… mais souvent monotones. Où se situe cet éloge de la lenteur par rapport aux autres créations plus énergiques de C14, dont Le Dortoir? Dans une classe à part, certainement, puisque plus que jamais l’écriture scénique de Maheu fait place aux mots, même si ce n’est pas de la manière la plus harmonieuse qui soit. Cela dit, parions qu’il y aura autant de lectures et d’appréciations de l’oeuvre que de visiteurs dans cette Bibliothèque

Jusqu’au 12 avril
À l’Usine C