Carole Nadeau : Miroir aux alouettes
Scène

Carole Nadeau : Miroir aux alouettes

Vingt ans après la création à Montréal et à Paris de Provincetown Playhouse juillet 1919 j’avais 19 ans de Normand Chaurette, Carole Nadeau revisite ce ""classique"" de la dramaturgie québécoise dans un décor tapissé de miroirs, pour le transformer en thriller de série B hanté par une créature maléfique échappée de Twin Peaks.

Vingt ans après la création à Montréal et à Paris de Provincetown Playhouse juillet 1919 j’avais 19 ans de Normand Chaurette, Carole Nadeau revisite ce "classique" de la dramaturgie québécoise dans un décor tapissé de miroirs, pour le transformer en thriller de série B hanté par une créature maléfique échappée de Twin Peaks. Pour l’occasion, la fondatrice de la compagnie Le Pont Bridge ouvre les portes de son Hors-Bord aux aventuriers tentés par cette expédition dans la tête d’un fou. Coup d’oeil sur ce qui s’annonce comme un voyage en eaux troubles…

Jouée à New York, Toronto, Vancouver, Londres, Florence et reprise avec succès à Montréal en 1992 dans une mise en scène d’Alice Ronfard, Provincetown Playhouse… nous transporte dans un asile de Chicago en 1938, où l’auteur Charles Charles 38 revit le soir de ses 19 ans – le 19 juillet 1919 -, alors qu’était créée son unique pièce Le Théâtre de l’immolation de la beauté, durant laquelle ses amis Winslow et Alvan ont tué de 19 coups de couteau un enfant dissimulé dans un sac. Savaient-ils que ce sac contenait un bambin? Ce fascinant chassé-croisé en 19 tableaux entre le réel et l’imaginaire, la manipulation et la démence, a inspiré à Carole Nadeau un thriller kitsch assaisonné d’une bonne dose d’humour.

C’est la première fois que la conceptrice du happening canin Les Chiens et du one woman show MeMyLee Miller monte un texte dramatique complet. Après avoir écrit ses premiers spectacles, Carole Nadeau a développé une méthode de création qui s’apparente au collage. "Le principe scénographique est toujours l’élément déclencheur, explique-t-elle en tournant les yeux vers les grands miroirs suspendus sur la scène. Après, j’accumule des cartables d’images et d’extraits de textes, que j’assemble ensuite d’une écriture-osmose, qui donne l’impression qu’ils proviennent de la même main."

Sauf que cette fois, la concordance entre son univers et celui de Chaurette était trop belle. D’où son coup de foudre pour les "jeux de miroirs insolubles" de l’auteur du Passage de l’Indiana et du Petit Köchel, ce qui ne l’empêche pas d’y aller d’une relecture audacieuse. "Il y a eu, dans les années 80, une vague de paroles homosexuelles et romantiques, au lyrisme assumé, avec des pièces comme Les Feluettes et Being at home with Claude. C’était important, et ça a été fait. Puisque je ne suis pas gaie, et que cela me touche moins, j’ai choisi de délaisser cet aspect de la pièce au profit du suspense. Je me devais de montrer un autre aspect de cette écriture qui est si riche."

Pour ce faire, elle ajoute un personnage, en hommage à David Lynch. "J’ai voulu mettre une petite touche de Twin Peaks dans le spectacle, avec énormément d’humour. La part de mal des deux Charles Charles sera donc incarnée par un nouveau personnage, que nous avons surnommé Bob. Sa présence permet de multiplier encore les jeux de réalité et de fiction."

Carole Nadeau loue depuis plus de quatre ans une ancienne "shop de laminage", boulevard Saint-Laurent, transformée en laboratoire de création. Sans ce lieu, jamais un show multimédia aussi élaboré – avec des flash-back vus dans les miroirs et des projections – n’aurait pu être présenté, dit-elle. "Nous avons commencé à expérimenter les jeux de réflexion et les effets de transparence dès le début des répétitions." L’asile sera peuplé des comédiens Martin Bélanger, Christian Brisson-Dargis, Steeve Dumais, Éric Forget et François Marquis, tandis qu’en coulisses s’activeront les touche-à-tout Jean-Sébastien Durocher, Thomas Godefroid et Marie Laroque.

"Nous avons pris le parti de la folie et du suspense, répète à plusieurs reprises la metteure en scène. Les spectateurs seront plongés dans la tête d’un fou, où tout peut se mélanger. Il n’y a pas de logique, c’est davantage une construction de l’inconscient, un peu comme un rêve. C’est un show léger, qu’il ne faut surtout pas chercher à comprendre…"

Du 15 au 26 avril
Au Hors-Bord