Le Malade imaginaire – Entrevue avec Jacques Leblanc : Médecine frousse
Scène

Le Malade imaginaire – Entrevue avec Jacques Leblanc : Médecine frousse

Lorsqu’on lui offre Le Malade imaginaire, JACQUES LEBLANC est surpris. "Je ne pensais pas jouer ça, pas encore. Je me disais: "Je suis trop jeune, je n’arriverai pas à comprendre toute l’humanité du personnage; je suis trop petit, trop maigre…""

Sous l’oeil du metteur en scène Bertrand Alain, Jacques Leblanc coiffe avec bonheur le bonnet de ce malade imaginaire enfantin et attachant, bien qu’égoïste, personnage central d’une pièce un peu mythique. Mettant en scène un hypocondriaque alors que l’auteur se sait lui-même atteint d’un mal incurable, Le Malade imaginaire représente la dernière pirouette de Molière. Dernière attaque à l’endroit des institutions, cette fois celle de la médecine, de l’abus de pouvoir de ceux qui la pratiquent, de la crédulité de ceux qui la subissent; dernier défi lancé à l’angoisse, à la mort; dernière cabriole du maître farceur qui, de la simple bastonnade à la grande comédie de caractère, s’amuse à rire de tous les travers humains. Vers la fin de la quatrième représentation, Molière, on le sait, est pris d’un malaise fatal; il mourra quelques heures plus tard.

Comédie sur fond dramatique, Le Malade imaginaire peint le portrait d’Argan, qui dépense une fortune en traitements aussi nombreux qu’inefficaces. Pour se rassurer, il veut même donner pour époux à son aînée, Angélique (Hélène Florent), un médecin. Mais voilà: amoureuse, la jeune fille fera tout, avec la complicité de Toinette (Linda Laplante), la servante, pour refuser le benêt (Stéphan Allard) qu’on veut lui imposer, et épouser celui qu’elle aime (Christian Michaud).

Parmi tous les enjeux de la pièce, Jacques Leblanc souligne la "crédulité de ce personnage très angoissé, sa naïveté. Tout le monde essaie de profiter de lui, de le manipuler; et lui-même, pauvre type, pense qu’il manipule tout le monde. C’est une belle situation dans la pièce, qui apporte souvent le comique. Il y a aussi la vérité du personnage: son angoisse réelle, sa peur des médecins et de la maladie, sa fascination de la mort et d’un lendemain qui sera peut-être meilleur."

Même si le personnage fait rire, le comédien, pour l’incarner, mise sur sa sensibilité, sa sincérité. "On rit, mais il y a beaucoup, dans le Malade, de souffrance, de solitude. Avec la dose comique qu’il faut bien sûr y mettre, l’enrobage moliéresque, j’essaie de le jouer le plus vrai possible, en puisant dans mes émotions à moi. J’ai lu et relu cette pièce-là: je voulais en faire une interprétation personnelle, pas quelque chose de classique."

Plus de 300 ans plus tard, Molière amuse toujours: par la rencontre entre l’angoisse du personnage et le jeu des autres, par les ressorts comiques toujours aussi efficaces. "Ce sont tous les autres personnages qui gravitent autour d’Argan qui créent les situations comiques. Il ne faut pas appuyer le drame, mais il faut le jouer réellement, à fond. C’est juste ça qui fait que c’est drôle. Et on s’attache à ce grand bébé qui veut tout avoir: sa femme, sa fille, l’attention, les soins. Les personnages de Molière ont toujours une résonance, à cause de la force, de l’universalité de ses caractères. On reconnaît ou soi-même, ou quelqu’un dans chacun d’eux. Des gens toujours rendus chez le médecin, des gens qui manipulent ou qui veulent avoir le pouvoir absolu sur les autres, on en connaît."

Si Molière représente une valeur sûre – "le public adore cet auteur-là" -, il n’en demeure pas moins que le jouer représente un défi. "Dans la langue , mais aussi dans le "convenu": c’est assez simple de jouer les répliques, les personnages comme ils ont toujours été joués. Mais il faut renouveler l’affaire, renouveler le personnage, le rendre vrai. Par contre, il y a de grands plaisirs: le plaisir du "ping-pong" avec les partenaires, le plaisir d’être déguisé, d’avoir une tête différente, de savoir que le public aime ça, de jouer de grands monuments… C’est très agréable."

L’équipe de "soins" est complétée par les comédiens Nancy Bernier, Réjean Vallée, Jean-Jacqui Boutet, Guy Daniel Tremblay, Patrick Ouellet, Fabien Cloutier et Camille Lantagne/Julie Dussault-Leclerc et les concepteurs Christian Fontaine, Marie-Chantale Vaillancourt, Sonoyo Nishikawa, Fabrice Tremblay, Harold Rhéaume, Hélène Rheault.

Jusqu’au 10 mai

Au Grand Théâtre
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