La Collection et Ashes to Ashes : Pinte de bon sang
C’est à une soirée placée sous le signe de l’étrangeté que nous convie le Théâtre ni plus ni moins, qui présente deux courtes pièces de Harold Pinter au Musée McCord. Après la mise en scène du délirant Cheech, Frédéric Blanchette nous entraîne dans un monde parallèle jouissif et encore plus bizarroïde, celui des comédies noires La Collection et Ashes to Ashes, où des couples mal assortis se mentent pour des raisons obscures. À chacun sa vérité…
C’est à une soirée placée sous le signe de l’étrangeté que nous convie le Théâtre ni plus ni moins, qui présente deux courtes pièces de Harold Pinter au Musée McCord. Après la mise en scène du délirant Cheech, Frédéric Blanchette nous entraîne dans un monde parallèle jouissif et encore plus bizarroïde, celui des comédies noires La Collection et Ashes to Ashes, où des couples mal assortis se mentent pour des raisons obscures. À chacun sa vérité…
Ces deux oeuvres du grand auteur britannique, l’une datant de 1961, l’autre écrite en 1996, sont à la fois inquiétantes et amusantes, suivant une logique plus onirique que réaliste. Dans La Collection (la plus drôle des deux, à mon avis), Stella (Catherine-Anne Toupin) confie à son mari, James (Benoît Gouin), avoir eu une aventure lors d’un voyage d’affaires avec un certain Bill (François Létourneau). James retrouve Bill et, à force de le harceler, devient en quelque sorte son ami, au grand désarroi de Harry (Henri Chassé), le protecteur de Bill, qui tentera de prouver que cette histoire d’adultère n’est que fabulation. Qui dit vrai?
Avec quelques fauteuils, des lampes, un téléphone et un meuble stéréo (un décor très simple de Monique Lord et Denise Campeau-Blanchette), Frédéric Blanchette réussit à fondre ingénieusement les deux appartements des protagonistes en un seul, qu’ils occupent tour à tour. D’abord prisonniers de leur quotidien, les personnages deviennent de plus en plus énigmatiques.
En cocu qui se prend d’affection pour un rival qu’il tutoie immédiatement, Benoît Gouin est particulièrement troublant, entre autres lorsqu’il propose un duel… au couteau à fromage! François Létourneau donne quant à lui un air ahuri, et plutôt insaisissable, au jeune designer paresseux qu’il incarne. Leurs échanges plus ou moins banals, leurs silences et leurs obsessions déroutent, comme celle qu’entretient James pour les olives.
Comprenne qui pourra… Bien amorcée, la soirée se poursuit avec Ashes to Ashes, pièce plus courte et encore un cran plus insolite. Cette fois, Devlin (Frédéric Blanchette) tente d’arracher à Rebecca (Catherine-Anne Toupin, émouvante) la vérité sur un ancien amant. Il la bombarde de questions sur cet homme dominateur, qui prenait plaisir à l’étouffer et l’étrangler, mais elle ne répond que par des détails anodins. Même le langage devient source de dispute, par exemple au sujet d’un stylo "innocent", un qualificatif qui ne convient pas du tout à l’objet, selon Devlin. Il sera aussi question de bébés arrachés des bras de leurs mères sur un quai, un triste souvenir qui rappelle les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. L’illusion et la réalité s’emmêlent dans cette histoire saugrenue et empreinte de violence, qui tend à démontrer que souvent, la vérité n’exclut pas le mensonge…
Avec cette cinquième production, le Théâtre ni plus ni moins continue d’avancer dans la même – et bonne – direction. Encore une fois, les interprètes se concentrent sur les actions à accomplir, sans insister sur la bizarrerie de leurs personnages, comme si leurs conversations absurdes allaient de soi. Ce jeu naturel et direct ajoute à la singularité de cette dérangeante, mais très efficace, leçon de simplicité.
Jusqu’au 10 mai (du jeudi au samedi)
Au Théâtre J.-A. Bombardier du Musée McCord