Théâtre : Critique: Le Malade imaginaire
Argan se croit gravement malade. Il réclame les soins et l’attention de tous; il s’entoure de médecins qui, prompts à la prescription, trouvent en lui ""une bonne vache à lait"". Pour se sécuriser, il souhaite marier sa fille Angélique, pourtant amoureuse de Cléante, au benêt Thomas Diafoirus, médecin et fils de médecin.
Jusqu’au 9 mai
Au Grand Théâtre
Argan se croit gravement malade. Il réclame les soins et l’attention de tous; il s’entoure de médecins qui, prompts à la prescription, trouvent en lui "une bonne vache à lait". Pour se sécuriser, il souhaite marier sa fille Angélique, pourtant amoureuse de Cléante, au benêt Thomas Diafoirus, médecin et fils de médecin.
Argan se place au centre de son univers domestique; tout tourne autour de lui – ainsi, du moins, le voudrait-il. Voilà un des traits dominants du personnage du Malade imaginaire, tel qu’interprété par Jacques Leblanc, sous la direction de Bertrand Alain. Le comédien décline avec conviction les différentes nuances de la vulnérabilité d’un personnage naïf et attachant, malgré ses sautes d’humeur.
Son désir de tout ramener à lui-même s’illustre bien dans le décor, très sobre. Des murs de tissu pâle délimitent un espace ovale, représentant la chambre du malade, à laquelle mènent trois passages. Argan trône du début à la fin au milieu de cet espace, d’où il commande et réclame avec autorité, croit-il, mais surtout avec la force de son angoisse, et son besoin impérieux d’être rassuré.
L’enchaînement des scènes et le jeu, vifs, enjoués, pleins d’énergie, donnent lieu à des moments très réussis: la scène pleine de complicité d’Argan et de Louison, sa fillette de 10 ans, la scène – difficile mais habilement menée – où Béralde essaie de raisonner le malade, le déguisement de Toinette en médecin, la finale.
À ces tableaux se greffent plusieurs éléments entraînant parfois des ruptures de ton. Si la mise en scène foisonne de bonnes idées, elle donne toutefois, à la longue, une impression de dispersion. Aux intermèdes de types divers, prévus dans la comédie-ballet, s’ajoutent ombres chinoises, effets d’éclairage évoquant tantôt la comédie musicale, tantôt le cauchemar, maquillages très soulignés, gestes répétés. L’ensemble apparaît, faute de choix donnant à la pièce une direction claire, assez disparate, et manque d’unité.
D’autre part, malgré la qualité générale de l’interprétation, le jeu apparaît, par moments et pour certains personnages, un peu forcé; la galerie des "profiteurs" joue en effet de façon très caricaturale. L’effet est parfois réussi – pour Monsieur Fleurant (Patrick Ouellet), par exemple; mais, poussé, à d’autres moments, un peu trop loin, ce type d’interprétation nuit à l’efficacité des scènes, en détournant l’attention du texte, déjà très drôle en lui-même. Les interprètes jouent avec un enthousiasme contagieux; mais il semble tout de même y avoir là un problème de dosage dans la direction d’acteurs.
Outre ces réserves, retenons du spectacle la force d’un auteur, la vision originale de certaines scènes, l’enthousiasme de l’équipe et la folle fantaisie d’un projet qui aurait gagné à être balisé avec plus de précision.