Le Seuil du palais du roi : Traitement royal
Il fut un temps où les hommes politiques et les artistes de ce monde siégeaient côte à côte aux tables où se prenaient les grandes décisions.
Il fut un temps où les hommes politiques et les artistes de ce monde siégeaient côte à côte aux tables où se prenaient les grandes décisions.
Écrite en 1904 par William Butler Yeats, la pièce Le Seuil du palais du roi se déroule au moment précis où cette alliance entre l’art et le pouvoir s’est rompue. Une séparation encore effective aujourd’hui, alors que le Parlement canadien vient de se doter de son premier poète officiel, George Bowering, dont la tâche se résume principalement à agir à titre de conseiller pour la bibliothèque du Parlement. Rien de bien menaçant…
Venue de Québec, l’équipe du Théâtre Péril, elle, n’a pas froid aux yeux. Le metteur en scène Christian Lapointe transforme la pièce du poète irlandais (à laquelle des extraits d’autres oeuvres poétiques ont été ajoutés) en une cérémonie grave et prenante, qui puise dans les cultures orientales et occidentales. Nous voici donc face au poète Seanchan (Serge Bonin), congédié du conseil royal par le roi Gort (Nicolas Létourneau), qui entame une grève de la faim sur les marches du palais, prêt à tout pour défendre son art. Craignant la hargne du peuple si l’artiste rend l’âme mais aussi le courroux de ses collaborateurs, le roi aura recours à diverses ruses pour ramener son ancien ami à la raison.
Cette réflexion solennelle sur le pouvoir de l’art est interprétée par huit comédiens masqués, à la gestuelle lente et pénétrée. Leur jeu s’inspire de la fascination que Yeats s’est découverte, plusieurs années après la création du Seuil..., pour le théâtre nô japonais. Le résultat se situe quelque part entre le théâtre rituel oriental et la tragédie grecque, ce qui n’est pas banal! Il faut dire qu’à 24 ans, Christian Lapointe en connaît déjà long sur l’art oriental (il a entre autres dirigé une coproduction Québec-Acadie-Viêt Nam à Hanoi) et sur le poète "nobélisé", après avoir monté en 2001 sa trilogie Le Chien de Culann, voyagé en Irlande et appris à manier des instruments de musique traditionnels de la verte contrée. Installé en bordure de la scène, il ponctue d’ailleurs l’action de notes de flûte, de cornemuse et d’envolées percussives.
À ses côtés, les comédiens donnent vie à ce spectacle original avec une grande précision, notamment Marcelo Arroyo, étonnant dans le rôle d’un élève prêt à mourir pour la cause. Le décor en étages et passerelles conçu par Jean-François Labbé maximise l’espace, tandis que les opulents costumes et les perruques de Valérie Gagnon-Hamel impressionnent, tout comme les masques de Danielle Boutin. Exigeants à suivre – avouons-le! -, les élans de lyrisme poétique de Seanchan sont heureusement captivants à regarder…
Jusqu’au 3 mai
À la Salle Fred-Barry