Les Noces de tôle : Salade romaine
On nous avait annoncé une tragicomédie grinçante. Tout est affaire de perspective, je suppose. La nouvelle création théâtrale de Claude Meunier (20 ans après Les Voisins) se révèle une grosse comédie de moeurs plus près du théâtre d’été – mais sans ses multiples rebondissements -, avec, oui, des accents graves et amers, mais aussi des gags souvent faciles, aux dépens de personnages qui n’ont pas inventé le bouton à quatre trous…
On nous avait annoncé une tragicomédie grinçante. Tout est affaire de perspective, je suppose. La nouvelle création théâtrale de Claude Meunier (20 ans après Les Voisins) se révèle une grosse comédie de moeurs plus près du théâtre d’été – mais sans ses multiples rebondissements -, avec, oui, des accents graves et amers, mais aussi des gags souvent faciles, aux dépens de personnages qui n’ont pas inventé le bouton à quatre trous…
Les Noces de tôle traite d’un sujet aussi familier dans la fiction que dans la vie: les hommes qui quittent leur femme vieillissante pour une petite jeune. Comportant des répliques cruelles sur le vieillissement des femmes, la pièce accuse le fossé entre les générations et, surtout, celui entre les sexes: ce sont les hommes, des lâches incapables d’assumer le rôle du salaud, qui finissent par quitter les femmes, créatures fidèles et dépendantes toujours attachées à leur conjoint.
Pour leurs noces d’argent et le 50e anniversaire de son bien-aimé "Petrus", Mireille (Pierrette Robitaille) a organisé un surprise-party aux allures de fête romaine, toges et décor d’un kitsch consommé (signé Pierre Labonté) inclus. La première partie des Noces de tôle pourrait s’intituler "En attendant le jubilaire", alors que la maîtresse de maison échange des piques avec ses invités, principalement la nouvelle greluche (Pascale Desrochers, punchée) de son frère (Marc Messier, dans une sorte de projection cynique à 50 ans – et en gynécologue! – du Réjean de La Petite Vie). Encore enamourée de ce dernier, son ex éplorée (Diane Lavallée) a accroché à son bras son nouvel amant, un homme marié d’origine italienne (amusant Luc Guérin). Entre les vacheries – "vieille frustrée" versus "jeune cruche" -, les propos candides ou déformés de la nunuche blonde et le français cassé du Gino, la comédie fait du sur-place, et il faut goûter ce genre de blagues qui misent moins sur l’esprit de Claude Meunier que sur le manque d’esprit de ses personnages…
L’arrivée du timoré mari (Martin Drainville), flanqué de sa jeune flamme (Hélène Bourgeois-Leclerc), est l’occasion d’une scène étonnante, tant le couple fait preuve d’une cruauté issue d’une inconscience que n’aurait pas reniée Les Voisins. La seconde partie s’avère plus consistante, avec des répliques acides qui font mouche. Mais pourquoi Meunier reprend-il ses (efficaces) vieux trucs? Comme cette partie de détecteur de mensonge, un classique repêché dans La Petite Vie? L’auteur suscite des rires avec ce procédé, mais ne se renouvelle guère.
Cette amusante épreuve de la vérité permet en tout cas de lever les masques. Devant l’égocentrisme et le manque de sensibilité de ses semblables, Mireille est livrée seule à son chagrin. Les Noces de tôle charrie donc une noirceur cruelle, mais elle est diluée. Le registre de l’émotion ne passe pas.
Peut-être aussi parce que la mise en scène plutôt grosse de Denis Bouchard semble moins chercher la vérité des personnages que le rire. Ce qu’il obtient, grâce à une brillante distribution experte dans cet art, pour beaucoup des familiers de l’univers de Meunier – et des chouchous du public. De cette joyeuse bande, on retient notamment la rafraîchissante Diane Lavallée, qui parvient à être drôle sans donner dans la caricature.
Une création plutôt décevante, donc, de la part d’un auteur talentueux, auquel le registre "absurde" convient peut-être mieux. Mais gageons que la lune de miel de Claude Meunier avec le public québécois, qui se poursuit depuis quelque 20 ans, n’est pas sur le bord de la rupture…
En supplémentaires jusqu’au 7 juin
Au Théâtre Jean-Duceppe