Îlo : Le temps d'une vie
Scène

Îlo : Le temps d’une vie

La marionnette détient au moins un avantage sur le comédien de chair: celui de suggérer d’emblée la parabole. Avec ses créatures et objets inanimés, Îlo peut ainsi évoquer la condition humaine.

La marionnette détient au moins un avantage sur le comédien de chair: celui de suggérer d’emblée la parabole. Avec ses créatures et objets inanimés, Îlo peut ainsi évoquer la condition humaine. Et même si les constatations sont parfois assez convenues (solitude, compétition, mort tout au bout), la troisième création de Kobol marionnettes déploie un art à la fois simple et confinant au merveilleux: un théâtre d’objets sur une planche, une cape qui devient, par la magie des ombres, l’écran où sont projetés les gratte-ciels d’une ville, la nuit… Tout ce qui, sous les mains agiles des créateurs et manipulateurs Louis Ayotte et Pier Dufour, est ingénieusement utilisé et transformé.

Spectacle hétérogène, Îlo juxtapose des univers différents, liés par une musique atmosphérique et un travail sonore intéressant de Jean-François Léger. Le court spectacle dirigé par Marcelle Hudon brille notamment dans la justesse de l’observation humaine. L’un des sept tableaux s’attarde ainsi sur deux femmes esseulées dans un bistro. Leur mutisme se détache au milieu des bribes de conversations triviales de la serveuse (incarnée par une cafetière!), rendant palpable tout le poids de leur solitude et de leur ennui. Étonnant comme ces créatures sans vie et sans parole peuvent être éloquentes…

La pièce tire parfois sur l’onirisme, comme ce cauchemar éveillé de l’insomniaque (un comédien masqué), figure centrale qui préside à cet univers urbain où chacun semble seul dans son îlot. Dans le numéro final, sourd l’angoisse de la mort. Modulé sur un poème de Baudelaire, L’Horloge nous rappelle que le temps est compté pour l’être humain. Carpe diem, car ça ne dure pas longtemps, semble-t-on nous dire.

Le passage du temps est aussi perceptible dans cette jolie métaphore de la destinée humaine, où une paire de chaussures, une valise et quelques accessoires sur une planche roulante parviennent à suggérer l’inexorable marche de la vie. Le bagage accumulé devient de plus en plus lourd, jusqu’à ce qu’on ne puisse plus le porter…

Seul écueil de ce théâtre de marionnettes qui se veut pour adultes: les intentions parfois un peu grosses des créateurs. C’est particulièrement probant dans le long tableau mettant en vedette deux curieux volatiles. Ces rigolotes créatures très colorées illustrent la lutte pour le territoire, dont la tragique conclusion démontre toute l’absurde inutilité. Avec sa couleur plus enfantine et son "message" plutôt appuyé, on se demande un peu à quel public cela s’adresse…

Mais cela ne devrait pas nous empêcher de goûter le travail de ces artisans doués et inventifs, ni de faire un détour par leur petit Îlo de poésie, de tendresse, de détresse humaine et d’humour.

Jusqu’au 10 mai
En supplémentaires du 14 au 17 mai
À l’Usine C