Le Silence : Mimes d’art
Le mime possède ce don d’habiter le corps d’une manière qu’on ne voit malheureusement que très peu dans l’ensemble de l’univers théâtral. Ce fut donc un plaisir de me laisser emporter par les mouvements corporels de la compagnie de création Omnibus, qui présente la pièce Le Silence, adaptée du texte de la romancière Nathalie Sarraute.
Le mime possède ce don d’habiter le corps d’une manière qu’on ne voit malheureusement que très peu dans l’ensemble de l’univers théâtral. Ce fut donc un plaisir de me laisser emporter par les mouvements corporels de la compagnie de création Omnibus, qui présente la pièce Le Silence, adaptée du texte de la romancière Nathalie Sarraute.
Toutefois, si le jeu des interprètes et certaines répliques savent parfois nous faire rire de bon coeur, il n’en reste pas moins que cette oeuvre est une réflexion profonde sur notre nature humaine qui tend compulsivement à mettre du signifiant là où subsiste un vide, un manque. Or, dans cette oeuvre à tendance expressionniste, l’espace béant est représenté par le silence de Jean-Pierre. Un personnage énigmatique qui, par son attitude désintéressée, fait réagir les autres, qui tentent par tous les moyens de comprendre le motif de ce mutisme inconfortable.
Ils se compromettront alors chacun leur tour dans une anecdote visant à intéresser Jean-Pierre. Voilà où toute la puissance du mime sera révélée. Car dans ce moment d’ouverture anecdotique, la parole cédera sa place à des postures et des gestes dont l’absurdité nous transportera dans un lieu où le temps est figé et où l’inconscient de chacun pourra s’exprimer librement. Ça parle enfin! comme dirait le psychanalyste – et pourtant, sans qu’un mot ne soit dit – par une posture qui ressemble incroyablement au Cri de Munch… sans un son, comme dans le tableau. Mais avec toute l’impression d’angoisse qui en ressort. L’angoisse d’entrevoir sa propre folie à travers une vision indicible.
Cette pièce est une leçon de philosophie bien dirigée par Jean Asselin, qui offre, tout comme les autres mimes (Marie Lefebvre, Catherine De Sève, Christian LeBlanc, Manon Brunelle, Jacques E. Le Blanc, Caroline Binet), une prestation remarquable. Le symbolique est efficacement présent à plusieurs niveaux. Tant dans le texte, par ses nombreux sous-entendus, que dans les scénographies visuelle et musicale, où le phénomène d’hybridation est largement utilisé… comme dans un rêve: par exemple, une piscine-salon ou un arrière-plan sonore où surgissent, entre deux notes, des voix d’enfants qui jouent ensemble. On ne peut alors s’empêcher de penser à notre enfance en famille, à la religion et à tout le décorum parfois astreignant dans lequel nous nous enfermons…
Cette poésie corporelle se poursuit jusqu’au 24 mai. Délicieusement profond!
Jusqu’au 24 mai
À l’Espace Libre