Nouvelles Scènes : Les explorateurs urbains
Le FTA propose aussi aux plus aventureux un volet consacré à la jeune création. Le cru 2003 est caractérisé par la pluridisciplinarité des démarches. Le conseiller artistique CLAUDE POISSANT nous offre un panorama de ses six coups de coeur.
Curieux de nature, le metteur en scène, directeur du PàP et caustique animateur des Masques Claude Poissant aime jouer les dépisteurs et "fouiller dans les moindres replis de la création", comme il le dit, pour dénicher ce qui se fait de mieux dans les petites salles de théâtre, les lofts, les cafés ou à la belle étoile. C’est pourquoi la directrice du FTA, Marie-Hélène Falcon, lui a demandé d’élaborer avec elle le volet Nouvelles Scènes du Festival, dont la mission est de contribuer à l’émergence de nouveaux talents. Rencontré dans les locaux du PàP à l’Espace Go, où il dirige la reprise du Ventriloque, Claude Poissant résume les six coups de coeur qu’il propose aux festivaliers.
"Nous avons examiné une soixantaine de projets, sur papier ou sur bande vidéo, révèle-t-il. Certains étaient des spectacles déjà joués mais peu vus; d’autres, des idées en cours de création. Nous n’avions pas de ligne directrice au départ, mais en observant ce qui se faisait sur les scènes de l’underground, quelque chose s’est dessiné."
Cette chose, c’est une alléchante macédoine de théâtre, d’arts visuels, de danse et de poésie. "Sur le lot, il n’y a aucun spectacle de théâtre pur. Nous sommes plutôt allés voir du côté du "pluri-multi"." Ainsi, le public est convié dans des lieux extra-théâtraux – dont le quartier Hochelaga-Maisonneuve, qui compte son lot de fascinants personnages -, pour y effectuer des trajets déambulatoires, prendre part à des performances ou à des spectacles-installations. Le point de convergence de ces propositions se trouve "là où, à partir des recherches et des explorations de chacun, naît le théâtre", résume-t-il.
La première créatrice sélectionnée par le tandem est Julie Andrée T, dont la performance inspirée de la tradition du body art, Problématique provisoire, a ravi et déconcerté les visiteurs de la Galerie Dare-Dare l’an dernier. "On ne comprend pas tout mais on est surpris seconde après seconde", résume Poissant. Dans un espace divisé en deux étages, l’artiste et ses quatre acolytes détournent des gestes quotidiens et testent les limites de leur corps, par exemple en se projetant sur le plancher… tandis que le public avance à quatre pattes. "De l’insolite et de l’inconnu, mais surtout, une démarche extrêmement cohérente."
Le collectif d’artistes multidisciplinaires Farine orpheline organise une balade inusitée dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Munis d’écouteurs, les participants découvriront les attraits et curiosités de ce terrain de jeu (dont un fabricant de bicyclettes solaires et un énorme bonhomme de neige) en empruntant un des sept ou huit parcours élaborés pour cette Coïncidence d’un potentiel infini. "C’est une dérive urbaine. Grâce à des témoignages audiovisuels, ils nous entraînent au coeur de quelque chose que l’on devrait connaître, comme Montréalais, et pourtant dont on ne sait rien. Et puisqu’il est seul, chacun vivra le voyage différemment…"
Marcelle Hudon reprend son spectacle de marionnettes musical Le requin blanc se multiplie, constitué de six courts récits. La metteure en scène d’Îlo raconte son histoire ludique en manipulant des marionnettes lilliputiennes, des personnages de papier, des micros et une caméra. "Ce que j’aime, c’est sa minutie. C’est comme si on utilisait 30 médiums différents pour écrire un poème dramatique qui se révèle d’une justesse impressionnante."
Plus gore, et à plus petite échelle encore, Stéfan Boucher et Olivier Tardif nous terroriseront avec leur Tragédie microscopique, opus 17, un show de 8 minutes, 38 secondes joué au Festival de théâtre de la rue à Shawinigan. "Une espèce de combat sanglant, qui va à l’encontre de tout. C’est la représentation en tout petit, avec une maquette et des personnages aimantés, de nos guerres, tortures et horreurs." Dans le programme du FTA, les créateurs précisent que toute personne dotée d’un humour douteux est la bienvenue…
Les curieux assisteront à la création du documentaire théâtral Coming Home to Roost de Lisa Rae Vineberg, avec les doués Paul-Patrick Charbonneau et Nathalie Claude. Une sorte de collage tridimensionnel sur l’enfance. "C’est une création pure, où les corps témoignent, sans trame narrative. Un peu comme si une caméra avait capté des bouts de vie, selon son intuition."
Enfin, le dessert: la reprise du Boson de Higgs par le Groupe de Poésie Moderne, un spectacle entre le spoken word, la poésie et le théâtre. Ces virtuoses du verbe y racontent avec humour la genèse d’une performance. "Leur espèce de dépatouillage de la langue rappelle autant Gauvreau que Sol ou Thomas Fersen. Voir ces quatre comédiens qui se retrouvent à créer un objet artistique justement parce qu’ils sont incapables de créer, cela me fait penser à L’État des choses, de Wim Wenders, mais en version beaucoup plus dada…"
Info-Festival: (514) 871-2224 ou www.fta.qc.ca