Forced Entertainment : Double jeu
Quand ils nous rendent visite, les Britanniques de la troupe Forced Entertainment débarquent toujours en force, avec non pas un mais deux spectacles dans leurs bagages.
Quand ils nous rendent visite, les Britanniques de la troupe Forced Entertainment débarquent toujours en force, avec non pas un mais deux spectacles dans leurs bagages. En 1998, ils avaient séduit les Montréalais avec Speak Bitterness, brillante pièce aux allures de confession publique présentée à Théâtres du Monde, tout en déstabilisant les spectateurs du Carrefour international de théâtre de Québec avec Showtime. Cette année, la Métropole hérite du doublé, le Festival de théâtre des Amériques accueillant First Night et And on the Thousandth Night. Deux soirées de théâtre pas comme les autres.
Le détournement subversif mais drôle de la représentation semble encore une fois à l’honneur. Une pratique dont paraît se délecter Forced Entertainment, un collectif fondé en 1984 qui cherche à explorer "les mythologies, problèmes, rêves et cauchemars de la vie urbaine moderne" en s’adressant au public d’une façon provocatrice et contemporaine. C’est dire qu’on est loin de la pesante tradition anglaise avec ce théâtre décapant qui désire secouer le pommier des conventions scéniques en mêlant intimement "divertissement et innovation".
Ne soyez donc pas surpris si les performeurs de First Night apostrophent la salle en demandant s’il y a des criminels et des batteurs de femmes dans le public, ou si un numéro de divination dérape bientôt en prédictions sur la nature de la mort de certains spectateurs…
En entrevue avec mon collègue de Hour, le metteur en scène de la compagnie britannique, Tim Etchells, décrivait First Night comme "un genre de vaudeville désastreux". Ce grinçant spectacle de variétés aligne huit artistes dont le visage arbore un immense sourire artificiel, qui s’étend jusqu’au malaise. L’idée du spectacle serait née de ces grimaces figées qui s’accrochent à une apparence souriante et aimable, sous laquelle il suffit de gratter pour débusquer "quelque chose de désagréable, et de probablement méchant et sombre". À coups de tours ratés et de danses incongrues, cette soirée de première s’amuse donc à démolir nos perceptions de la nature glamour du showbiz clinquant, et de l’échange entre les artistes et le public.
Contes d’une nuit
Les membres de la troupe basée à Sheffield vous convient aussi à passer une nuit avec eux.. en tout bien tout honneur. Une unique nuit de narration, précisons-le, qui s’étendra, le 6 juin, de minuit à six heures du matin. Largement improvisé, And on the Thousandth Night se veut une autre façon d’explorer le lien avec un public live (mais pas toujours: les spectateurs y seront libres d’arriver et de partir à leur guise).
Coiffées de couronnes en carton et drapées de traînes rouges, nos huit Schéhérazades d’opérette passeront donc six heures à enchaîner contes de fées sur légendes urbaines, blagues sur histoires d’amour. Des récits qui n’auront jamais d’aboutissement, les conteurs étant constamment interrompus par un de leurs compagnons. Cette aventure à dormir debout se terminera à l’aube comme il se doit: par un petit-déjeuner récompensant les résistants qui auront su durer jusqu’au bout. Thé et muffin anglais, peut-être?…
First Night
Du 2 au 4 juin
And on the Thousandth Night
Le 6 juin
Au Monument-National