Festival de théâtre des Amériques : La dernière scène
Scène

Festival de théâtre des Amériques : La dernière scène

Cette festivalière n’a pas tout vu, loin de là, et au moment d’écrire ces lignes, il restait encore une couple de gros morceaux en réserve (Humiliés et Offensés; After Sun). Mais que dire de la dixième édition du FTA, alors qu’on chemine lentement mais sûrement vers sa conclusion? Peu d’énormes coups de coeur, peut-être, mais une programmation de bonne tenue.

Cette festivalière n’a pas tout vu, loin de là, et au moment d’écrire ces lignes, il restait encore une couple de gros morceaux en réserve (Humiliés et Offensés; After Sun). Mais que dire de la dixième édition du FTA, alors qu’on chemine lentement mais sûrement vers sa conclusion? Peu d’énormes coups de coeur, peut-être, mais une programmation de bonne tenue.

Côté québécois, les créations ont offert dès la première fin de semaine une moisson féconde, accrochée au passé, aux racines et à l’identité. Outre la saisissante Trilogie des dragons de Robert Lepage, Marie Brassard a livré une seconde création prometteuse, La Noirceur, exploration de la voix et du passage du temps. Wajdi Mouawad a frappé fort avec Incendies, une pièce aux accents de tragédie grecque, sur des êtres blessés par l’Histoire. Il y avait dans cette cérémonie théâtrale des moments d’une grande puissance dramatique, un magnifique souffle lyrique, porté notamment par un personnage superbement interprété en alternance par Andrée Lachapelle, Annick Bergeron et Isabelle Roy. À (re)voir l’an prochain au Quat’Sous.

Chez les visiteurs, coup de chapeau à Purifiés, une grande mise en scène du Polonais Krzysztof Warlikowski de l’univers sombre de Sarah Kane, dont émergeait autant de beauté que d’horreur. Sous cette vision précise et inspirée, la soif d’amour et la tendresse de la dramaturge britannique apparaissaient enfin sous les atrocités qui jonchent son théâtre.

Les artistes flamands ont souvent fait le bonheur des festivaliers montréalais (qu’on pense au travail d’Alain Platel), et ceux d’Ubüng n’ont pas déçu. La surprise est venue de ce spectacle innovateur et original dirigé par Josse de Pauw. OVNI théâtral que ce choc entre des adultes filmés et les jeunes qui les interprètent sur scène dans une décomposition des conventions de la soirée bourgeoise…

Passons assez vite sur le Tchekhov des Torontois du Theatre Smith-Gilmour, Chekhov Longs… in the Ravine. Une histoire forte, agréablement racontée, avec des moyens artisanaux et de l’imagination, mais un spectacle qui ne semblait guère innovateur en regard de ce qu’on a déjà vu dans le même genre…

Chez les British, tous les spectateurs n’ont pas semblé goûter l’humour au second degré et l’anti-représentation de First Night. Une parodie de mauvais show, où tous les numéros se prolongeaient indûment jusqu’au point de rupture et de dérapage. Car les potaches de Forced Entertainment (dont reste toujours à voir le And on the Thousandth Night, vendredi à minuit) attaquent les bases et les présupposés de la représentation.

Coïncidence d’un potentiel infini
La section Nouvelles Scènes semble aussi témoigner d’une vision élargie du théâtre. La démarche de Farine Orpheline doit ainsi bien peu aux formes théâtrales, sauf si on postule, comme Shakespeare, que "le monde est une scène". Ce collectif multidisciplinaire, actif depuis 1996, a ainsi mis en scène la vie d’un quartier dans Coïncidence d’un potentiel infini, qu’on peut encore expérimenter jusqu’à dimanche. Un concept par ailleurs bien intéressant, à la base.

Si, dans La Noirceur, Marie Brassard se désolait de la disparition d’un immeuble, d’un habitat, au profit de la gentrification, Coïncidence nous donne à voir les vestiges de la "culture industrielle" dans un quartier populaire, Hochelaga-Maisonneuve. Muni d’un lecteur CD et écouteurs aux oreilles, le "spectateur"-promeneur suit un parcours balisé mais ouvert, selon trois itinéraires qui diffèrent selon qu’on choisit le matin, l’après-midi/la soirée, ou minuit.

Si le parcours suggéré dans les arrière-cours, parcs et ruelles du quartier est facile à suivre, le texte poético-social (assez mal) enregistré dans les deux langues, lui, ne l’est pas toujours… Qu’importe, c’est le périple et l’expérience en direct qui comptent.

Une balade inégale, mais qui comporte son lot de surprises, comme cette rencontre avec un personnage éminemment théâtral, l’intarissable artiste-patenteux Jeff Fischer, et ses oeuvres-prototypes: des véhicules propulsés par l’énergie solaire. Entre les terrains vagues et contaminés, on découvrira aussi une étonnante murale mexicaine camouflée, comme quoi même les quartiers réputés pauvres ont leurs richesses.

Le trajet dessiné par Farine Orpheline invite l’explorateur urbain à voir ce qui l’entoure avec des yeux neufs. Le FTA, ça sert aussi à jouer les touristes dans sa propre ville.

Coïncidence d’un potentiel infini
Jusqu’au 8 juin

Lectures Mexico-Montréal
Le FTA propose aussi des lectures publiques, comme celle-ci de deux textes mexicains.

Il faut faire vite: ces mises en lecture organisées par le CEAD – qui témoignent des échanges croissants entre les auteurs québécois et ceux du pays de Vicente Fox – ont lieu ce jeudi-ci, au Studio-Théâtre Stella Artois de la PDA. À 16 h, on pourra entendre Opción múltiple, de Luis Mario Moncada Gil, une pièce sur une jeune femme souffrant de troubles de personnalité, traduite par Suzanne Lebeau. Puis, à 18 h, Fedra y otras griegas, de Ximena Escalante, une relecture du mythe de Phèdre, rendue en français par Geneviève Billette. Entrée libre. Réservations: 288-3384, poste 221.