Festival Fringe : Le dernier mot
Scène

Festival Fringe : Le dernier mot

Après quelques semaines de spectacles, le Festival Fringe se termine lassant place à d’autres activités estivales. Retour critique de cet événement culturel…

Antiviol
Danse ou théâtre? Peut-être est-ce une forme innovatrice de mime contemporain, un peu comme ce fut le cas pour la pièce Le Silence que la compagnie Omnibus a présentée dernièrement? Peu importe, c’est par le biais du corps que j’ai reçu Antiviol, du collectif Chten Câliss. Comme le titre de la pièce et le nom de cette troupe le suggèrent, il s’agit d’une oeuvre dont le propos est plutôt sombre et déchirant. Mais le tout est amené de manière magistrale par l’écriture poético-décapante d’Émmanuel Schwartz et Enrica Boucher, et fougueusement incarné à travers la gestuelle cathartique du chorégraphe Dave St-Pierre (No Man’s Land Show).

Un mélange inventif et clairement maîtrisé par les interprètes, où la force des mots n’est plus là pour contourner le corps, mais pour appuyer la puissance évocatrice du geste. Voilà une hybridation intéressante qui donne à voir une corporalité dansante délivrée d’un lyrisme étudié – dû au dressage technique du corps qu’on retrouve chez un grand nombre de danseurs. Ceci donnant l’effet d’un jeu qui se rapproche de la réalité quotidienne où les individus ont une gravité, des peurs, des compulsions, de la haine, un manque d’amour… et surtout le désir de ne plus être contrôlés par les pulsions qui sont aux racines de tous ces maux. Il y a un risque émotif à recevoir cette pièce, et c’est ce qui la rend artistiquement pertinente.

The Pillow Book
Définitivement, c’est le Japon qui, cette année, remportera la palme d’or de mon palmarès. Déjà, Illusion of Love du Tokyo Triangle avait été une heureuse révélation; voici maintenant que la chorégraphe-interprète japonaise Shakti relève le défi de représenter par le mouvement l’univers poétique de Sei-Shonagon (auteur du livre The Pillow Book). Une interprétation de calibre hautement professionnelle qui souligne avec contraste l’aspect brouillon de certaines créations présentées dans le cadre du Fringe.

Shakti possède une corporéité dont les formes rondes et sensuelles – que l’on associe rapidement aux plaisirs de la chair – nous font regretter d’appartenir à une société qui voue un culte à des squelettes anorexiques et androgynes. Sa présence sur scène est envoûtante et c’est avec une splendide dévotion à son art qu’elle honore une féminité instinctive faite de pulsions délicieusement assumées. Même lorsqu’elle se fait peindre le corps, à un moment de la pièce, ses poses restent vivantes et révèlent une fluidité intérieure en attente d’exulter. Un débordement qu’elle canalisera par la suite à l’intérieur d’une danse qui célèbre l’érotisme d’un corps nu semblant se fondre avec la nature; celle-ci faisant alors office de tatouage corporel.

Cuppa Jo
La danseuse Jolene Bailie, originaire de Winnipeg, est sans contredit une excellente interprète. Elle nous a offert un triptyque composé des oeuvres The Illegibility of thie World, de la chorégraphe Julia Sassa, Afterwords, de Galle Peturson-Hiley et Mara de Stephanie Ballard – qui a déjà été dansée par la légendaire Margie Gillis.

Même si les deux premières pièces sont d’un justesse d’interprétation sur laquelle il y peu à redire, il reste que Mara, la toute dernière, nous arrive tel un cadeau des dieux. Jolene Bailie y est splendide et majestueuse de par sa présence charismatique qui séduit le public dès la première ondulation corporelle. Elle se meut telle une sylphide – ou une sirène sur son rocher – au son d’une musique dramatique et enivrante; ses gestes sont de petits coups de fouets ponctuant l’espace. Et que dire de cette chevelure qu’elle projette comme la prolongation de son corps dansant – sans que ce soit pour autant une pastiche malhabile de Margie Gillis. Elle maîtrise à merveille sa technique et son instrument. Ce fut alors un plaisir de la voir en jouer avec autant d’aisance.

The Point to B
Le collectif interdisciplinaire Do You Be nous présentait un triptyque chorégraphié et interprété par Shandoah Goldman et Amy Dawn Verebay. À vrai dire, le plus intéressant dans cette oeuvre est sûrement la musique, la vidéo, les costumes, les acrobaties d’Amy Dawn Verebay et l’originalité du propos, mais pas nécessairement la danse. Elle donne plutôt l’impression d’être un prétexte à la présentation de tous ces éléments qui pourraient très bien vivre sans celle-ci. Mais cela n’enlève rien au côté divertissant et quelque peu instructif de la pièce.

Hybridoïde
Là aussi, de beaux costumes, une belle musique, mais cette pièce de la chorégraphe Amélie Lévesque Demers est inégale. On passe, par exemple à un moment donné, d’un tableau d’une invention surprenante à une diagonale de classe technique. Parfois, aussi, on sent que le potentiel est présent, mais qu’il n’est malheureusement pas exploité à son maximum – surtout compte tenu du calibre de certaines des interprètes…