Appelez-moi… Maman! : Mères courage
"Tu vas y goûter!" "Touche pas à ça, je viens de le nettoyer…" "Mange pas ça, je viens de l’acheter…" Toutes celles qui se sont déjà surprises à prononcer une mise en garde du genre, ou qui craignent par-dessus tout de s’entendre le faire un jour, riront de bon coeur devant Appelez-moi… Maman! (comment survivre à la maternité), une séance d’hilarothérapie pour parents au bord de la crise de nerfs, orchestrée par Denise Filiatrault. Sur la vaste scène du Théâtre Saint-Denis II, six femmes racontent avec un plaisir sadique les "joies" de leur nouvelle vie de mère, parmi lesquelles les couches, la dépendance, l’insomnie et les kilos en trop. Parce qu’il vaut mieux en rire…
Écrite par six comédiennes qui en avaient long à dire sur la maternité (les Canadiennes Linda A. Carson, Jill Daum, Alison Kelly, Robin Nichol, Barbara Pollard et Deborah Williams), Mom’s the Word connaît un succès international depuis sa création en 1994 au festival Women in View de Vancouver. En 2001, le Just for Laughs Festival en a monté au Centaur une version qui a réjoui le public; au tour des francophones de savourer cet antidote à la déprime post-partum, adapté par Michel Tremblay.
Le spectacle commence par un accouchement qui donne le ton. Linda (Caroline Dardenne, excellente) éprouve une antipathie immédiate pour son infirmière, trop fine, trop joyeuse. Elle lui rentre les ongles dans la paume de la main volontairement, pousse, pousse, pousse, pleure et accouche enfin, dans "un flot de soulagement". S’ensuivent les confidences des cinq autres mamans (Sophie Faucher, Valérie Blais, Néfertari Bélizaire, Isabelle Pastena et Sylvie Dubé), qui se lèvent à tour de rôle pour s’adresser au public, dans un espace peuplé de grands animaux échappés d’un dessin d’enfant (une scéno de Raymond Marius Boucher). Habillées sobrement, les comédiennes s’expriment avec naturel, sourire aux lèvres. On se croirait presque témoin d’un rendez-vous des MIA, les Mères imparfaites anonymes!
L’une avoue avoir arrosé sa fillette qui s’entêtait à jouer avec le tuyau d’arrosage, pour se rendre compte trop tard que les voisins assistaient à la scène, tandis qu’une autre vient de découvrir le pouvoir du chantage émotif, et compte bien faire semblant de pleurer, ou même de mourir, lorsque nécessaire! Loin d’être des modèles, ces femmes sont terriblement humaines avec leurs névroses ordinaires. Hilarante lorsqu’elle tente par tous les moyens d’endormir son bébé, Sylvie Dubé (dans le rôle d’Alison) livre les seuls passages dramatiques de la pièce, qui brisent le rythme. Heureusement, ces intermèdes visant à émouvoir sont peu nombreux en regard des scènes cocasses, dont celles où Linda tente de communiquer par écrit avec son "cher conjoint".
Et les mecs dans tout ça? Ce sont les grands absents de cette treizième collaboration entre Denise Filiatrault et le Théâtre Juste pour rire. À peine sont-ils raillés au passage, jugés absents, peu compréhensifs ou trop portés sur le sexe. Une caricature à gros traits des pires défauts du mâle d’une époque révolue, souhaitons-le. Malgré ces clichés, surtout présents dans la deuxième partie, moins punchée, Appelez-moi… Maman! se révèle un exutoire charmant, qui rassure les parents sur leur santé mentale (il en existe des plus troublés qu’eux!), prévient les mères en devenir de ce qui les attend et, surtout, encourage les célibataires à ne pas précipiter les choses…
Jusqu’au 26 juillet
Au Théâtre Saint-Denis II
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