Les 25 ans de carrière de Marie Chouinard : Le corps de l’oeuvre
Même si au départ la danse ne semblait pas avoir d’intérêt pour MARIE CHOUINARD, la femme a su se démarquer au fil des ans. Charmante rencontre …
Marie Chouinard
est entrée dans le bureau où je l’attendais. Son élégance me prenant par surprise, j’en ai presque oublié pour un instant que j’étais là pour une entrevue. Cette femme d’un charme inouï semble ne pas avoir d’âge. Elle a la prestance d’une grande dame, mais son sourire et sa voix laissent entrevoir le visage d’une enfant qui s’amuse avec la vie.
Devant cette artiste comme devant son oeuvre, on est en présence de quelque chose de plus grand. Un sentiment d’intemporalité et d’utopie. Marie Chouinard a ce don – que peu de gens possèdent – de saisir et d’incarner d’instinct les symboles universels. Le succès qu’elle obtient auprès du public depuis maintenant vingt-cinq ans est probablement dû, en grande partie, à cette facilité qu’elle a de poétiser l’essence humaine avec une magnificence bouleversante.
Pourtant, la danse – qui est devenue son principal média d’expression – ne s’est pas imposée à elle dès le début: "Je ne sais même pas comment ça se fait que je suis en danse, finalement. C’est un hasard. Car, lorsque j’étais jeune, je haïssais les spectacles de danse. Je trouvais ça plate. Je ne considérais même pas la danse comme un art. Pour moi, il y avait la peinture, la sculpture, le cinéma, etc. Mais la danse, non. Puis à un moment donné, je devais avoir autour de vingt ans, j’ai vu un spectacle de Simone Forti. Elle faisait des danses d’avant-garde pour l’époque, avec de l’impro et une approche corporelle différente. Là, j’ai fait: wow! C’était la première fois que je voyais une artiste qui dansait… mais vraiment une artiste. La semaine suivante, j’étais en studio et je commençais à créer."
Depuis ce moment, elle n’a pas cessé de nous impressionner. La puissance évocatrice de son art est saisissante. On se demande quel peut bien être le moteur infatigable de son inspiration en constant renouvellement: "Je ne pars jamais de la même manière, car j’ai besoin que ce soit nouveau à chaque fois… pour que la création reste un plaisir. Si je prends par exemple Le Cri du monde, ça a commencé par un petit mouvement articulaire du poignet – la pièce commence d’ailleurs par ce mouvement. Ensuite, c’est devenu une étude de toutes les articulations. Puis d’un autre côté, avec une oeuvre comme Les 24 Préludes de Chopin, c’est parti de la musique. Chaque prélude était comme une charge de sensations…"
Cet automne, pour les 25 ans de carrière de Marie Chouinard, le FIND rend hommage à cette grande artiste de la danse en présentant plusieurs de ses oeuvres. La présentation est divisée en deux programmes. Le premier comprend la reprise du Prélude à l’après-midi d’un faune (version Debussy, 1994) et du Sacre du Printemps (1993). Le deuxième nous offre à voir en première montréalaise les nouvelles créations Étude #1, Opéra-Dogma et Chorale.
Pour ceux qui voudraient avoir un avant-goût de tout ceci, le Festival de Lanaudière, en collaboration avec l’OSM, présente pour un soir seulement le Prélude… et le Sacre… Deux oeuvres qui, malgré le fait qu’elles aient été reprises maintes fois par divers chorégraphes, gardent toujours la même fraîcheur et la même volonté de célébrer cette pulsion de vie qui nous anime. D’autant plus lorsqu’elles sont revisitées par une chorégraphe telle que Marie Chouinard, pour qui le corps est un temple sacré. "Il y a deux points de départ à ma version du Sacre du printemps. La musique et les danseurs. Lorsque j’ai composé la chorégraphie, il y a dix ans, on sortait de l’univers poétique de la pièce Les Trous du ciel, où je n’avais presque pas fait danser les extraordinaires danseurs que j’avais. J’ai eu alors envie de rendre hommage aux danseurs… car ce sont des gens que j’aime. Donc de donner la danse aux danseurs. C’est-à-dire de les faire bouger dans toutes leurs possibilités de virtuoses… de physicalité… d’espace. Et, en effet, c’est une pièce où les danseurs sont crevés à la fin du show. Mais c’est aussi une pièce qu’ils ont encore beaucoup de plaisir à danser."
Quand on demande à la chorégraphe d’expérience ce qu’elle a appris à travers le mouvement durant ce dernier quart de siècle, elle répond avec toute la sagesse du moine qui renonce au pouvoir que lui confère son érudition: "Je crois que j’ai appris à mesurer l’étendue de ce qu’il me reste à découvrir… et c’est vertigineusement immense." Car il est vrai que plus on cherche à trouver, plus on trouve à chercher.
Le samedi 26 juillet
Amphithéâtre de Lanaudière (Joliette)