Critique: : Cuisine et dépendances
Jusqu’au 16 août
Au Théâtre Petit Champlain
Le Théâtre du Palier entreprend, avec Cuisine et dépendances de Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui, l’aventure du théâtre en été. Tous les ingrédients de la réussite s’y trouvent: texte solide, comédiens excellents, beaucoup d’humour et un brin de fantaisie.
Jacques et Martine, ainsi que leur ami Georges, reçoivent à souper un couple d’amis perdu de vue depuis 10 ans. Lui, personnage mystérieux qu’on ne verra jamais, est un animateur de télévision populaire et riche; elle, Charlotte, est l’ancienne flamme de Georges. Se joignent à eux Fred, frère de Martine et joueur incorrigible.
Pendant qu’au salon on feint de s’amuser et qu’on tâche, entre discussions, envie et admiration, de rester poli, c’est à la cuisine qu’on se rencontre vraiment. Problèmes, regrets, explications: c’est là, entre vaisselle et plats refroidis, que les vérités finissent par se dire.
Le texte, bien écrit, dessine habilement des personnages riches qui, tout en conservant leur complexité, se livrent dès les premières répliques. Les dialogues incisifs, souvent très drôles, sondent avec profondeur et lucidité les relations humaines et tout ce qu’on y injecte de mensonges et de faux-fuyants, mettant en relief les contradictions de chacun.
Les comédiens (Emmanuel Bédard, Serge Bonin, Véronique Côté, Annick Fontaine, Nicolas Létourneau), manifestement, s’en donnent à coeur joie. Chacun, avec justesse et beaucoup de finesse, incarne un type – le pessimiste, l’homme au grand coeur, la femme au foyer, la femme du monde, le joueur – qu’il habite jusque dans les moindres gestes et attitudes. Seule ombre à ce défilé de personnages: l’accent. La pièce, certes, se déroule à Paris; on le précise dans le texte. Mais quel besoin d’adopter, comme le font la plupart des comédiens, un accent français? Le texte, que ne colorent que très peu d’expressions typiquement françaises, ne le commande pas. De plus, l’accent varie d’un comédien à l’autre et même, parfois, pour un même comédien, tout au long de la pièce. Il y a là quelque chose qui demanderait ajustement. L’une des comédiennes, Annick Fontaine, ne tombe jamais dans ce piège, et prouve qu’on peut très bien jouer cette pièce sans feindre un accent.
La mise en scène (Paule Savard) exploite efficacement, par des gestes quotidiens, l’espace et le décor (Jean-François Labbé), qui représente une cuisine moderne et fonctionnelle, un rien encombrée, comme lors de réceptions. Ajout délicieux: l’utilisation pleine d’humour de la musique, clin d’oeil sympathique au film On connaît la chanson, aussi de Bacri et Jaoui.
L’ensemble est joyeux, vif, pétillant; voilà de quoi plaire, avec intelligence.