Les Ballets Jazz de Montréal : Genres multiples
Voici venu le mois de la danse au Théâtre de Verdure du parc La Fontaine qui nous offre à voir, au courant du mois d’août, une production de Montréal Danse, un spectacle des Grands Ballets Canadiens et, pour ouvrir le bal, une série d’extraits des pièces qui sont venues enrichir le répertoire des Ballets Jazz de Montréal depuis 1998. Date à laquelle est entré en fonction le nouveau directeur artistique, Louis Robitaille, qui a su, durant cette demi-décennie, insuffler un vent de fraîcheur au sein de cette compagnie dont la fondation remonte à plus de 30 ans.
Toutefois, si l’on tient compte de la nouvelle orientation plutôt "néoclassique" de la compagnie, on est en droit de se demander dans quelle mesure il s’agit encore de ballets jazz… Vous me direz que la danse contemporaine est dorénavant si métissée et hybride qu’il n’est plus possible de parler de style "pur", dans l’optique où un tel terme puisse exister – qu’il s’agisse de danse classique, africaine, latino-américaine, folklorique québécoise, etc. Et vous aurez raison! Ça fait d’ailleurs près de 40 ans que la danse – dite moderne à l’époque – a effectué ce virage éclectique. Alors pourquoi pas maintenant le ballet jazz?
D’ailleurs, si l’on en croit les critiques qui circulent au sujet de la compagnie montréalaise, depuis que l’ex-danseur des Grands Ballets Canadiens occupe la direction artistique, ce virage aurait porté fruit. "Rares sont les compagnies qui, comme Les Ballets Jazz de Montréal, ont connu un redressement aussi rapide…", écrivait d’ailleurs André Martin (Le Devoir, 2001).
Vous pourrez, lors de ces quatre soirées diffusées en plein air, admirer le travail de la chorégraphe résidente Crystal Pite, originaire de Colombie-Britannique, dont mon ex-confrère Luc Boulanger a pu dire de sa gestuelle qu’elle était "inspirée, précise et originale" (Voir, 2001). Mais aussi, les oeuvres des Américains Trey McIntyre et Mia Michaels et du cosmopolite Nicolo Fonte. Outre cette rétrospective, vous pourrez également apprécier un aperçu de la prochaine saison à travers la présentation de deux nouvelles pièces: Breve Enlace, du Mexicain Edgar Zendejas, interprète et nouvellement chorégraphe pour les BJM, et Sooo, de Charlotte Griffin.
Un spectacle qui plaira sûrement à toute la famille. Arrivez tôt, car les places sont gratuites et limitées.
Du 7 au 10 août
Au Théâtre de Verdure (parc La Fontaine)
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Retour critique
C’est dans le cadre du Festival de Lanaudière que nous avons pu assister à la reprise de deux oeuvres magistrales de la chorégraphe Marie Chouinard, qui fête cette année ses 25 ans de carrière. Il s’agissait du Prélude à l’après-midi d’un faune et du Sacre du printemps, dont l’accompagnement musical était assuré par la présence sur scène de l’Orchestre symphonique de Montréal. Inutile de dire que cela ajoutait une puissance vibrante au spectacle…
La scène de l’Amphithéâtre de Lanaudière, où avait lieu cette soirée, est ouverte sur les boisés avoisinants; nos sens peuvent ainsi jouir de la présence colorée d’une verdure qui, ce jour-là, émanait un parfum délicat de feuillage fraîchement arrosé par la pluie. Rien de plus transportant qu’une telle scénographie naturelle pour y planter un faune. Mais, malgré toute cette mise en place, le bête incarnée avec une maîtrise corporelle surprenante par la danseuse Isabelle Poirier semblait parfois un peu perdue dans l’immensité de l’espace scénique qu’elle partageait avec les notes de Debussy.
Cela n’a toutefois rien enlevé à la fougue de cette danseuse qui a visiblement tout intégré de l’animal, jusqu’à son souffle. Ses mouvements en portaient d’ailleurs encore les traces dans Le Sacre du printemps, où l’ensemble des danseuses nous ont offert une interprétation époustouflante de l’univers poétique de la chorégraphe. En effet, les solos effectués par celles-ci savaient nous captiver tant l’investissement corporel était palpable. Malheureusement pour les danseurs masculins, à l’exception de l’étonnant David Rancourt, on ne peut pas en dire autant. Car la gestuelle de Chouinard ne ressortait malheureusement pas aussi clairement dans le corps des hommes que dans celui des femmes.
Une gestuelle qui sait révéler la dynamique interne des organisme vivants. Et grâce à laquelle on passe continuellement du microcosme au macrocosme; du passé au futur. Mais aussi, où le fonctionnel devient poétique à travers un mouvement empreint d’indicible que chaque interprète habite de manière singulière.
Pour proposer un tel voyage à ses danseurs, il faut être poète et philosophe, en plus d’être chorégraphe. Il faut avoir l’instinct du visionnaire. Mille fois bravo à tous ces interprètes qui ont généreusement offert leurs viscères en sacrifice sur cet autel d’yeux. J’ai gravé sur ma rétine ce petit bout d’éternité. Merci…