Estelle Clareton : Souvenirs bouleversants
Ceux qui connaissent le cinéma français savent comment nos cousins européens aiment bien nous ressasser les souvenirs bouleversants de cette époque plutôt révolutionnaire, destructrice, mais aussi très innovatrice que fut la première moitié du 20e siècle. Une époque sans contredit historiquement mémorable, que les nostalgiques aiment bien charger d’une aura romantique. Ceci pour nous faire oublier "les horreurs de la guerre", comme papa nous disait le samedi soir devant un gros rouge, en nous faisant l’offrande de quelques bribes de sa jeunesse parisienne sous l’Occupation. Des horreurs qui ont surtout altéré l’imaginaire des habitants de ce vieux continent, dont la mémoire génétique semble vouloir perpétuer la trace de ce vaste héritage ancestral, même lorsque ceux-ci ont été déportés ou ont immigré il y a une ou plusieurs génération(s).
La chorégraphe d’origine française Estelle Clareton n’y échappe donc pas, elle non plus. Car sa pièce De Julia à Émile, 1949 que Montréal Danse présente au Théâtre de Verdure, les 15 et 16 août prochains, se déroule dans une esthétique d’après-guerre: un petit café rétro des années 40, des vêtements d’époque… et surtout, la fameuse romance affabulée dans cet esprit, à travers les souvenirs amoureux d’une femme. Une recette parfaite pour faire rêver les coeurs facilement attendris par des ambiances à la Lelouch ou Pagnol.
Les oeuvres d’Estelle Clareton se rapprochent davantage de la danse-théâtre que d’une danse plus formelle: on n’a qu’à penser à Monsieur (2003) ou à C’est à trente ans que quoi déjà? (2002), ses deux plus récentes pièces, où la parole et les autres éléments narratifs sont fréquemment utilisés. La grande force de cette artiste tient justement à sa capacité de nous faire voyager dans des univers poétiquement chargés, capables de nous emporter loin des banalités du quotidien. Les scènes dansées qu’elle propose incarnent, parfois par le biais de l’humour, d’autres fois sur un ton dramatique, ce qu’il y a d’attachant chez le genre humain.
La compagnie Montréal Danse, dont le mandat est de permettre la création et la diffusion d’oeuvres chorégraphiques d’ici et d’ailleurs, a ajouté l’oeuvre de Clareton à son répertoire dans l’objectif, déjà entamé, d’une tournée mondiale. Or, cette compagnie offre aux diffuseurs du Québec et de l’étranger l’occasion de proposer le rôle de Julia à une comédienne appartenant à leur communauté. Celle-ci n’aura qu’à effectuer une gestuelle bien simple qui se résume à quelques mouvements de bras et devra réciter trois textes de quelques lignes chacun. Bien que ce rôle semble facile, il nécessite de la part de la comédienne une présence corporelle totalement investie, car elle sera accompagnée sur scène de sept danseurs de haut niveau qui évolueront avec virtuosité autour d’elle.
La comédienne invitée sera, cette fois-ci, la talentueuse et charismatique Andrée Lachapelle. Elle aura le plaisir et la chance d’interpréter le rôle de Julia en présence des danseurs et danseuses Annick Hamel, Rachel Harris, Sylvain Lafortune, Manon Levac, Frédéric Marier, Peter Trosztmer et Élise Vanderborght. Ceci, sous les éclairages de Martin Labrecque et sur les arrangements sonores de Jean-Pierre Côté. À voir!
Les 15 et 16 août
Au Théâtre de Verdure du parc La Fontaine