Éveline Gélinas : Entrer dans la danse
Les diplômés de l’École nationale de théâtre du Canada, cuvée 2002, reprennent à l’Espace Libre leur spectacle de finissants, Honey Pie, un an et demi après sa création. Le rôle-titre de cette sombre histoire se déroulant dans un bar de danseuses nues de Maniwaki est tenu par la comédienne Éveline Gélinas, vieille pro et jeune diplômée, qui a oeuvré durant huit ans au petit écran avant de s’inscrire à l’ÉNT, dont elle s’est offert une escapade en 2001 pour jouer dans Les Parapluies de Cherbourg. Attablée devant une limonade après une longue journée de doublage, la pétillante interprète nous entraîne dans l’univers glauque de Honey Pie, mis en scène par Claude Poissant.
La pièce raconte quelques jours dans la vie d’une mystérieuse jeune femme qui émoustille ces messieurs en se trémoussant en petite tenue sur des vieux succès des Beatles. "Nous assistons à un moment-clé dans la vie de Honey Pie et d’une collègue, qui est la narratrice de l’histoire", résume l’actrice. Les filles réunies à Maniwaki rêvent toutes d’un ailleurs meilleur, d’une fuite vers le bonheur, sans oser remiser définitivement leur string.
Fanny Britt (diplômée de l’ÉNT en 2001) a écrit une pièce qui laisse place à l’imagination. "Elle brosse le tableau d’une société sans porter de jugement. Je pense que même s’il s’agit d’un microcosme, ce qui s’y passe reflète une quête universelle. Honey Pie est un personnage en fuite, qui devra faire face à son destin. Il s’agit d’un rôle riche et complexe, d’un théâtre où ce qui doit être joué n’est souvent pas dit, ce qui est exigeant… mais tellement agréable!"
Éveline Gélinas s’enthousiasme pour l’écriture de Fanny Britt, douée pour dépeindre la réalité crue, la vie dans ce qu’elle a de moins joli. "Je trouve ça hyper-intéressant que ce soit une femme qui s’intéresse à ce qui se passe dans un bar de danseuses. Au cinéma, le sujet a souvent été abordé, principalement par des hommes. Fanny ne cherche pas à dénoncer ce genre de lieu, elle s’en sert plutôt comme d’un prétexte pour parler de personnes en dérive. Et comme elle a un regard de fille, on ne se sent jamais, nous les comédiennes, exploitées. On sait que ce n’est pas juste notre corps qui parle."
De la distribution initiale, seuls deux interprètes ont été remplacés, pour des raisons de disponibilité. Les nouveaux venus Antoine Bertrand et Émilie Bibeau se joignent à Frédéric Boudreault, Pascale Denommée, Johanne Haberlin, Guillaume Legault, Madeleine Péloquin, Pierre Étienne Rouillard et Brigitte Tremblay pour cette première reprise de leur jeune carrière. "Nous pourrons enfin dépasser le trac des premières fois et intégrer le rythme de la pièce."
Le théâtre de création plaît particulièrement à Éveline Gélinas, qui prend plaisir à découvrir de nouvelles voix. "Avec Claude Poissant, on cherche, on se questionne, on a l’impression de porter une parole d’ici, toute fraîche et qui, je pense, peut rejoindre à peu près tout le monde. Claude aime les jeunes, il ne craint pas de confronter ses idées à celles des autres. Il est patient, passionné et curieux. Tout le contraire de ces gens qui, avec l’âge et les difficultés de la vie, s’éteignent et deviennent désabusés."
Éveline Gélinas en connaît un bout sur le métier: à 17 ans, elle décroche son premier rôle dans le téléroman Jamais deux sans toi. Après huit ans de travail au petit écran, elle s’inscrit à l’École nationale de théâtre, convaincue que cette formation lui apportera les outils nécessaires pour prendre les scènes d’assaut. Visiblement, elle a vu juste puisque depuis la fin de ses études, les propositions affluent. "Je suis extrêmement heureuse de ce qui m’arrive, conclut-elle. Je jouerai au théâtre mur à mur la saison prochaine (dans Kamouraska et Les Fourberies de Scapin, entre autres), et je continue de faire de la télé et du doublage. Je mords à pleines dents dans tout ce qui passe!"
Du 14 au 30 août
À l’Espace Libre