Marcelle Dubois et Francis Monty : L'attaque des clowns
Scène

Marcelle Dubois et Francis Monty : L’attaque des clowns

L’été, c’est fait pour jouer, nous rappellent les auteurs et metteurs en scène MARCELLE DUBOIS et FRANCIS MONTY, qui proposent au public les pitreries de leurs clowns et démons intérieurs durant tout le mois d’août, au Théâtre d’Aujourd’hui. Parce qu’il vaut mieux en rire…

Réunis sur le toit du Théâtre d’Aujourd’hui, Marcelle Dubois et Francis Monty se tordent de rire en jouant les acrobates devant la lentille du photographe. Assis côte à côte sur une chaise minuscule, ils se marrent le temps de quelques clics, puis grimpent sur leur accessoire, avant de perdre l’équilibre dans un fou rire. "C’est vraiment à l’image du théâtre que l’on fait, constate Marcelle Dubois. On a peu de moyens, mais beaucoup de plaisir!" À moins d’une semaine de la première de Condamnée à aimer la vie et de Traces de cloune, on pourrait croire les deux jeunes auteurs-metteurs en scène en vacances, tant ils ont l’air détendu.

Une fois dans les loges, à l’abri du soleil, les rires s’apaisent, le temps de résumer le projet. Les créations Condamnée à aimer la vie, écrite et mise en scène par Marcelle Dubois, et Traces de cloune, de Francis Monty, composent un alléchant programme double offert d’ici la rentrée automnale dans la salle Jean-Claude Germain. Le public y fera la rencontre de clowns fiscalistes introvertis et pathétiques, sans nez rouges, et de démones convaincues que le bonheur n’est pas une tare. Entre autres créatures fantaisistes…

En première partie, la pauvre Camélia vit un drame terrible: elle est incapable d’accéder au désespoir. Alors qu’autour d’elle, tous pestent et s’arrachent les cheveux à cause des guerres, famines et autres catastrophes, la jeune auteure découvre qu’elle est douée pour le bonheur, grâce aux facéties de deux démones croyant que la vie vaut la peine d’être vécue. "Ce sont en quelque sorte les clowns de sa conscience, qui tentent de lui faire avouer qu’elle aime la vie et ne souhaite pas se suicider, contrairement à ce qu’elle laisse croire", résume la fondatrice du Théâtre Les Porteuses d’Aromates. Les interprètes recrutées pour l’occasion sont: Josée Rivard, Valérie Beaulieu et Sophie Vaillancourt.

Selon son collègue, ces trois personnages représentent le tourbillon de la pensée humaine, les vrilles mentales auxquelles chacun se livre. Alors que Condamnée… commence par une envie de suicide et se termine dans une ambiance de fête, Traces de cloune suit le chemin inverse, ajoute le codirecteur du Théâtre de la Pire Espèce. Dans cette "mosaïque burlesque", trois clowns timides enquêtent sur un mystérieux dossier. Il y a le patron, Eudore, le jeune Nérée, qui a obtenu son poste parce qu’Eudore avait contracté une dette envers son père – "10 cennes, je pense", blague l’auteur – et la secrétaire Noëlla, objet de leurs fantasmes.

Tous trois sont prisonniers d’un cadre qu’ils essaient maladroitement de briser. "Ce ne sont pas des clowns traditionnels, mais ce qui reste du clown aujourd’hui, c’est-à-dire une certaine gaucherie, une cruauté et une naïveté." Ces êtres pathétiques sont incarnés par Mélanie Delisle, Sébastien Dodge, Mathieu Gosselin, Pierre Limoges, Marc Mauduit et Violaine Paradis. Le tout s’annonce grinçant, voire plutôt glauque, et bien peu réaliste, prévient sa collaboratrice.

Un gars, une fille
C’est au Café-Théâtre l’Aparté, où Francis Monty et son acolyte Olivier Ducas ont présenté plus d’une centaine de fois leur délicieux Ubu sur la table, que Marcelle Dubois s’est découvert des affinités avec le jeune créateur. "J’avais écrit une première pièce, En vie de femmes, dans laquelle je mélangeais le surréel et la réalité. Cette fois, je me suis aperçue que j’avais envie de dépasser la convention. J’aime que l’on puisse se libérer du cadre exigeant de la psychologie, s’éclater, pleurer et rire dans la même phrase."

Selon elle, rares sont les femmes qui osent prendre part à des bouffonneries subversives. "Les filles refusent souvent de jouer la laideur, de travailler avec leurs défauts. Elles veulent être cute!"

Francis Monty partage ce point de vue. "On m’a déjà reproché d’écrire surtout pour les gars… Ben forcément, j’en suis un! Je suis heureux de partager l’affiche avec une fille qui a écrit un show pour trois filles. Cette complémentarité, cet équilibre, ça me plaît bien."

Après cette expérience en tandem, chacun reprendra le fil de ses (nombreux) projets. Marcelle Dubois peaufine un texte bouffon, Amour et Protubérances, et assurera pour une troisième année la coordination artistique du Festival du Jamais lu, à l’Aparté. Francis Monty présentera en Europe une version espagnole et une adaptation pour public sourd et entendant d’Ubu sur la table. Une pièce de masques et marionnettes d’inspiration mythologique, Persée, pourrait aussi voir le jour, tandis que son texte Romances et Karaoké sera produit cet automne par le Théâtre le Clou.

Tout ça dans le plaisir, garantissent-ils. La création malheureuse, très peu pour eux…

Jusqu’au 30 août
À la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui
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