Condamnée… et Traces de cloune : Le rendez-vous des guignols
Mieux vaut être prévenu, la vie n’est pas une partie de plaisir pour les pathétiques créatures invitées à monter sur la scène de la petite salle du Théâtre d’Aujourd’hui. Décidément, on n’a plus les clowns qu’on avait! Condamnée à aimer la vie et Traces de cloune, le programme double signé par les auteurs-metteurs en scène Marcelle Dubois et Francis Monty, nous présente de bien drôles de rigolos, qui tiennent plus du voisin, du collègue ou du patron que de Patof et compagnie.
En fait, dans la première partie du spectacle, ce sont deux démones (sans cornes, mais habillées de noir et parées d’accessoires rouges) qui jouent les "clowns de la conscience", pour reprendre les mots de l’auteure. Toutes deux sont issues des pensées de Camélia (Josée Rivard), une jeune femme désespérée… de trop aimer la vie pour mettre fin à ses jours, comme son père a osé le faire.
Elle s’apitoie donc sur les épisodes marquants de sa courte existence, tandis que le public fait office de psy. De son premier emploi à sa récente peine d’amour, la jeune femme tente de nous convaincre que sa vie est un gâchis, tandis que les clownesses (Valérie Beaulieu et Sophie Vaillancourt) agrémentent de quelques touches de couleur ce sombre, mais ô combien banal, tableau. L’heure passée en compagnie du trio s’écoule au ralenti, peut-être parce que l’histoire, bien écrite mais verbeuse, piétine dès les premières minutes. Comme quoi au théâtre, le diable, c’est avant tout l’ennui!
Les choses s’améliorent après l’entracte avec Traces de cloune, un délire issu de l’imagination débridée du codirecteur du Théâtre de la Pire Espèce (cuistot du savoureux Ubu sur la table). Nous voilà transportés dans un bureau du fisc plutôt déprimant, où surgissent le zélé et violent Eudore (Pierre Limoges, hilarant), la peu sexy et pourtant très convoitée Noëlla (une Mélanie Delisle aux raclements de gorge éloquents) et Nérée (Mathieu Gosselin), le nouvel employé incapable de compter. Tous trois tenteront de se libérer du carcan des conventions lors d’une soirée d’enquête bien arrosée.
Francis Monty a choisi de nous présenter par fragments la vie intra et extra-muros de ces colorés gratte-papier, que commente une voix off. De (trop) nombreux personnages secondaires viennent ralentir le rythme et compliquer l’histoire, dont le naïf Anicette (Marc Mauduit), le bellâtre Aldéo (Sébastien Dodge) et Medjée (Violaine Paradis), la simple d’esprit.
Plus que le piétinement de leur mystérieuse enquête, ce qui charme ici, c’est l’humour noir et très méchant de cette satire de la vie de col blanc. L’oeuvre n’est pas sans rappeler, par sa dérision et son ludisme, le suspense métaphysico-comique Bureaux, d’Alexis Martin. Coups de pied au derrière et jeux de mots faciles en plus. Un parti pris burlesque loin d’être incompatible avec le malaise que suscitent ces "clounes" aux désirs refoulés. Voilà une création qui laisse des traces…
Jusqu’au 30 août
À la Salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui
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