Théâtre sans animaux : Du coq à l’âme
L’homme n’est pas qu’un loup pour l’homme, il peut être aussi un veau, un dindon, un paon ou un porc. C’est ce que donne à voir la comédie fantaisiste Théâtre sans animaux, de l’auteur, metteur en scène et réalisateur français Jean-Michel Ribes. Jouée pour la première fois au Québec par la nouvelle compagnie Les 12 Coups de Zoo, cette oeuvre se moque de l’instinct animal qui sommeille (et s’éveille parfois!) en chacun de nous. Le texte, d’une irrésistible drôlerie, est monté avec beaucoup d’enthousiasme, et quelques maladresses, par une jeune équipe aux crocs aiguisés. Pas bête.
La metteure en scène Mélanie Roy a retenu sept des neuf saynètes qui composent ce délire théâtral, récipiendaire de trois Molières en 2002. Les habitués de La Petite Licorne n’en sont certes pas à leur première incursion au pays de l’absurde, et ils retrouveront dans ces courtes pièces une incongruité semblable à celle qui teintait la trilogie américaine mise en scène au même endroit par Frédéric Blanchette, du Théâtre ni plus ni moins. Cette fois encore, le train-train quotidien et l’ordinaire basculent soudainement dans l’étrangeté comique.
La soirée débute dans les coulisses de la Comédie-Française, où Jean-Claude affronte sa femme Louise, enragée par son refus de féliciter sa belle-soeur qui vient de triompher dans Phèdre. Le pauvre homme a souffert le martyre et ne peut se résoudre à dire bravo, voire juste "o", à sa tortionnaire. La scène de ménage s’annonce tragique. Lui succède un tête-à-tête entre deux frères, dont l’un se targue d’être enfin devenu plus intelligent que l’autre; puis un hilarant échange entre une adolescente et son père complètement disjoncté, qui nie catégoriquement que le prénom de sa fille soit Monique; et enfin, une (trop longue) visite au musée.
En deuxième partie, place à un joueur de golf qui menace de violer le président américain (!), à une famille perturbée par un stylo-bille géant et à un groupe d’amis convaincu que l’homme s’est beaucoup trop éloigné de son ancêtre, le poisson.
Les comédiens Sébastien Bergeron, Marie-Michelle Garon, Christian Laporte, Benoît McGinnis et Catherine Paré donnent corps à ce délire avec énergie et parfois même un peu trop d’intensité, en regard de la petitesse de la salle. Bien maîtrisé, l’accent français qu’emprunte la distribution peut toutefois agacer, à la longue. Il faut dire que la France est partout dans cette pièce pleine d’esprit, à l’humour raffiné… À voir, pour le plaisir d’entreprendre un voyage absurde en compagnie d’un équipage novice mais prometteur. Difficile de rester de mauvais poil devant ces bêtes de scène…
Jusqu’au 27 août
À La Petite Licorne