Esprit gamin : Philippe Avron
Si chaque théâtre a son fantôme, ils seront plus d’un à se frôler dans les coulisses du Théâtre Denise-Pelletier, durant les quatre représentations du solo Le fantôme de Shakespeare, du comédien français Philippe Avron. Après avoir enchanté le public québécois avec Je suis un saumon, l’irrésistible septuagénaire est de retour avec un hommage au théâtre et au rêve qui s’est mérité, en France, le Molière 2002 du meilleur one man show. "La première chose que Shakespeare me dit sur scène, c’est: soyons des gamins éternels!", lance l’acteur au rire communicatif, joint chez-lui à Toulon. Nous voilà prévenus.
Tel un magicien, Philippe Avron a retenu les services d’une "petite jeune fille" d’ici, qui lui glissera entre les mains divers accessoires, dont un crâne et une épée. "Il s’agit d’une présence muette, fantomatique." Selon lui, les fantômes ne se baladent plus dans les manoirs ou les boisés. "Ils se sont réfugiés au théâtre, avec les ombres et les lumières, les apparitions et surtout, la possibilité de faire entendre ceux qui ne parlent plus, à travers les comédiens."
Cet ancien élève de Jacques Lecoq a travaillé avec plusieurs grands noms du théâtre, dont Jean Vilar, Peter Brook, Benno Besson et Roger Planchon. Il a incarné, entre autres héros, Dom Juan et Hamlet. Le Fantôme de Shakespeare est son sixième one man show. "J’ai voulu rendre hommage à ce théâtre que j’ai pratiqué et en particulier à Shakespeare, que j’ai joué. Je veux rendre un peu de ce magnifique don qui m’a été fait. Répondre, en quelque sorte, à la dureté de notre monde si réaliste, si dur et si pratique par la poésie."
"La langue de Shakespeare, c’est celle de l’imaginaire, de la poésie, de la nature. Avec lui, la lune rougit, les étoiles s’expriment, le soleil s’étonne… Shakespeare a le sens du cosmique, il a un rapport privilégié au sommeil et aux rêves." La voix du grand dramaturge ne sera pas la seule à résonner sur scène, puisque Avron incarnera aussi un prof de philo, un Arlequin nommé Banlieue, Raymond Devos et Ariane Mnouchkine.
Une galerie de personnages conçue pour amuser les spectateurs, avant tout. "Le public vient pur jouer, même s’il ne le sait pas toujours!", rigole Avron. Selon lui, le public de théâtre est particulièrement intelligent, éveillé et ouvert. Et ce, peu importe qu’il prenne place dans une salle d’Europe, d’Amérique ou d’Afrique. "Quand on joue seul, on s’appuie beaucoup sur la réaction du public", rappelle l’acteur, qui met trois ans à écrire chacun de solos candides, puis trois autres années à les balader dans la francophonie. "Comme vous le voyez, je ne pourrai pas en écrire des tonnes dans une vie d’homme…"
Écrire. C’est le grand plaisir d’Avron, qui dit à voix haute son texte à mesure qu’il le couche sur papier. "Le corps est l’ami de l’homme. Sans qu’on sache très bien pourquoi, il se met en quête. Dans les rencontres qu’on fait, dans ce qu’on lit, il y a cet inconscient puissant, ce désir de créer, qui se met en marche, quelques fois de façon chaotique, mais qu’il faut savoir écouter (rires)…"
Et il ajoute: "Un metteur en scène m’a déjà dit: tu vas voir, tu écriras mieux après avoir joué Shakespeare. Et c’est vrai. Il nous révèle des secrets sur le rapport qu’il peut y avoir entre le public et l’acteur. Ce dont Peter Brook parle comme de la troisième chose. Brook dit: il n’est pas question de fusion entre le public et les spectateurs, mais de naissance d’une troisième chose. Cette chose, c’est comme la toile pour le peintre, ou l’enfant dans le couple. C’est la création qui sort de la relation…"
Du 3 au 6 septembre
Au Théâtre Denise-Pelletier, en scène intime