Beauté intérieure, balade urbaine : Le chemin des pas perdus
Scène

Beauté intérieure, balade urbaine : Le chemin des pas perdus

Argglll! C’est le cri de dépit que risque de pousser l’amateur de théâtre appâté par la dernière invention d’Olivier Choinière et de sa compagnie, ARGGL! (pour Activité Répétitive Grandement Grandement Libératrice). Le créateur de Tsé-tsé, Agromorphobia et de Jocelyne est en dépression nous entraîne cet automne dans une longue balade urbaine sur les artères les plus achalandées de la ville, avec dans les oreilles la voix d’un unique personnage: l’homme laid, dit Crapaud. Une aventure cahoteuse durant laquelle le spectacle de la rue vient constamment distraire le marcheur de l’histoire chuchotée dans son casque d’écoute.

Cela débute pourtant de belle façon. Installé au fond d’un bar de l’avenue du Mont-Royal, Olivier Choinière remet à son invité un baladeur et un plan, en lui conseillant de marcher lentement, sans jamais s’arrêter. Le soir de la première, sous une pluie violente, l’itinéraire était intrigant: Mont-Royal, Saint-Denis, Sainte-Catherine, Saint-Laurent. Une heure et demie de marche en solo dans la jungle urbaine, parmi ses plus colorés spécimens. Sauf que l’excursion tourne rapidement à l’épreuve pour le spectateur-itinérant, qui peut difficilement prêter l’ouïe aux délires fantaisistes du Crapaud alors que sa vue et son odorat le ramènent constamment à la réalité.

Touchante au début – pauvre petit écolier incapable de tailler un crayon sans susciter les moqueries! -, l’histoire du laideron se complexifie joyeusement à partir du moment où il devient invisible et commet toutes sortes d’actions insensées. Comprenne qui pourra! Le narrateur Marc Beaupré est pourtant excellent et l’environnement sonore de Vincent Croteau se révèle d’une grande minutie. Mais cela n’empêche pas la confusion de s’installer, sans parler de l’agacement que suscitent certains passages convenus, entre autres lorsqu’il est question de ces chanceuses de filles, qui trouveront toujours quelqu’un pour les baiser, même si elles sont laides, contrairement aux hommes…

Pourquoi Olivier Choinière et son équipe n’ont-ils pas tiré parti du merveilleux terrain de jeu dont ils disposaient? On nous dit que Crapaud marche sur nos talons mais bien peu d’efforts ont été faits pour intégrer des éléments du parcours à son histoire. Il aurait pourtant été facile de lier le propos à cet itinéraire où se côtoient toutes sortes d’oiseaux de nuit. Mais non, Crapaud soliloque sans se soucier du décor, tandis que le marcheur se surprend à perdre le fil, propulsé hors de cette balade intérieure par les beautés urbaines qu’il croise. La réalité est souvent plus fascinante que la fiction…

Départs aux 15 minutes entre 18 h et 23 h
Sur réservation seulement. Info: (514) 585-5412