24 Poses : Chronique de voyeur
Scène

24 Poses : Chronique de voyeur

Ni comédie, ni drame, 24 Poses apparaît plutôt, selon JEAN-JACQUI BOUTET et MARIE-GINETTE GUAY, comme une chronique, permettant au spectateur, l’espace d’une soirée, de devenir un peu voyeur…

C’est fête chez les Dubé. Pour les 40 ans de Richard, la famille se réunit pour célébrer. Au menu: complicité, plaisir, tensions, mal de vivre.

Si la pièce de Serge Boucher permet au spectateur de "voir sans être vu", elle le place aussi, par son sujet, en terrain connu.

"L’auteur présente une famille, explique Jean-Jacqui Boutet. Mais la pièce est écrite pour que chacun s’y retrouve, pour faire ressortir des souvenirs vraiment très forts. Moi, avec cette pièce, je ne peux pas faire autrement que de penser à mes oncles, mes tantes, mon père, ma mère…"

"La pièce montre vraiment les rapports dans cette famille-là, poursuit Marie-Ginette Guay. On les voit, en fait, en train de vouloir être bien ensemble, sans que ça dérape trop. En répétant, tout le monde avait sa petite anecdote sur sa famille, ses mouvements du coeur ou ses impatiences pour tel ou tel personnage. Mais plus le travail avançait, moins on portait de jugement sur eux. Ils suscitaient plutôt une sorte de tendresse."

Ainsi, nulle caricature dans ce portrait signé Bertrand Alain, metteur en scène. "C’est tout à fait réaliste, assure la comédienne. C’est sûr qu’on est au théâtre, mais en même temps, c’est comme si on n’y était pas. C’est plein de petits gestes qui ne sont pas portés par l’idée que tout le monde doit voir tout ce qu’on fait. C’est très agréable."

"Et très confortable, ajoute son complice. Des fois, en jouant, j’ai l’impression que je suis dans une vraie cour, et que je ne joue pas. Habituellement, quand on commence une pièce, on dit "on attaque une pièce". Celle-là, on se laisse glisser dedans. Il y a une espèce de vertige là-dedans, mais il faut s’abandonner complètement: c’est très précieux pour l’interprétation."

Ils incarnent Claire et Denis, les parents de la famille Dubé. Chacun présente son personnage: "Le personnage de Denis, 65 ans, n’est pas quelqu’un de surprenant. Il ressemble à beaucoup de pères, de beaucoup de pièces, de beaucoup de familles. Il parle peu, n’a pas envie d’aller à la fête; il a, aussi, un mal physique. Pour moi, cette difficulté est constamment présente, et teinte le personnage. "

"Claire est à l’affût de tout. Elle est au centre de la famille, c’est elle qui organise, maintient la cohésion. C’est assez conforme avec l’image qu’on a de la mère de famille: elle veut que tout se passe bien."

"C’est dur de parler d’un personnage, avoue Jean-Jacqui Boutet. Un personnage, on ne le construit pas comme un psychanalyste: c’est l’instinct qui nous mène. Ça se construit vraiment avec les autres, et à tâtons. Comme on apprend à vivre."

S’ils le connaissent peu du point de vue théorique, les deux interprètes, visiblement, sont très proches de leur personnage. Parlant de la famille Dubé comme si c’était la leur, ils oscillent avec aisance, et un plaisir espiègle, entre jeu et réalité pour présenter Claire et Denis.

24 Poses apparaît comme l’album de photos d’une famille sans histoire. "C’est quelque chose que j’aime particulièrement, confie Marie-Ginette Guay. Il y a des richesses dans tous les être humains; ça me fascine de voir à quel point la vie est multiple, et qu’on ne peut pas s’imaginer le tiers, le huitième du coeur de quelqu’un. Je trouve ça riche. Et dans cette lutte pour la vie, il y en a qui perdent. Et la pièce parle de ça: de cette difficulté de vivre." "Il y en a qui ont du talent pour vivre, plus que d’autres, complète Jean-Jacqui Boutet. Et on voit, dans la pièce, différents talents pour exister."

"Ce que ça peut développer, chez le public, c’est peut-être, songe la comédienne, une espèce de regard tranquille, tendre sur sa propre famille, sans trop la juger, en se mettant dedans à la même mesure que les autres. Et c’est plein de détails qui amènent des bouffées d’émotion."

Les deux comédiens partagent la scène avec Nancy Bernier, Pierre Gauvreau, Jean-Sébastien Ouellette, Caroline Stephenson, Guy Daniel Tremblay et Réjean Vallée. En coulisses: Michel Gauthier, Lucie Larose, Alexandre Nadeau et Fabrice Tremblay.

Jusqu’au 11 octobre

Au Théâtre de la Bordée
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