Critique: 24 Poses : 24 Poses
Jusqu’au 11 octobre
Au Théâtre de la Bordée
Sur scène, la cour arrière d’une maison de banlieue: clôture, meubles de patio, pelouse. Tout y est – même la tondeuse -, et signale, d’emblée, le réalisme de 24 Poses, de Serge Boucher, et celui, très efficace, de la mise en scène de Bertrand Alain.
La pièce se présente comme une réunion familiale bavarde et animée, qui évoque sans peine, pour chacun, des souvenirs semblables. On parle beaucoup chez les Dubé. Mais l’essentiel, on ne le dit pas, ou si peu: vieilles rancoeurs, frustrations, inquiétudes affleurent parfois brièvement, avant de replonger. Il y a aussi les rêves, les projets, l’affection qu’on aimerait partager, et qu’on ne se dit que du bout des lèvres.
Chaque personnage porte seul son lot de difficultés: petits ou grands malheurs, se laissant deviner par de brèves allusions, ou apparaissant lors d’échappées hors du réalisme, créées par des images exploitant décor, éclairage et son. On entre ainsi dans l’intimité de chacun, qui apparaît alors sans masque, dans son état véritable, et non engoncé dans l’image qu’il souhaite projeter et que, de toute façon, on attend de lui.
Les comédiens jouent cette réunion familiale avec, visiblement, un grand plaisir. Chaque personnage, clairement dessiné par le texte, est campé avec aplomb et nuances par les comédiens, sans jamais – le défi était de taille – tomber dans la caricature. On a sous les yeux une galerie de personnages aussi vrais que nature. Cette impression est accentuée par la mise en scène qui s’appuie, notamment, sur la présentation d’actions simultanées, un échange retenant l’attention pendant que les autres personnages "vivent" en arrière-plan. Malgré quelques moments moins réussis, qui cassent parfois le rythme, il en résulte une véritable impression de vie.
24 Poses fait sourire, émeut, par de petits gestes quotidiens. Et il y a de ces petits moments déchirants, faits d’impressions fugitives, de détails minutieux. Quelque chose de furtif, de fragile, comme la vie qui file et se rompt, ainsi que le rappellent sans cesse, dans la pièce, nouvelles et anecdotes.
Dans cette chronique se déroulant tout doucement, sans pour autant que la gravité en soit exclue, la fin, cependant, étonne, et par son côté brusque, dérange. À peine préparée, elle précipite la pièce dans un autre registre, de manière peu vraisemblable. On regrette que cette finale, un peu plaquée, ne cadre pas mieux avec une pièce misant, pourtant, sur la finesse.
Reste du spectacle une impression de vie et de réelle émotion. Reste aussi la troublante sensation qu’il manque quelque chose, ou quelqu’un, à cette réunion de famille; comme si les personnages, et les spectateurs avec eux, attendaient: un contact réel, peut-être, l’aveu d’un malaise, ou d’une affection.