FIND- Batsheva Dance Company : Itinéraire d’un virus
Par les temps qui courent, les effets du rythme infernal de la vie quotidienne semblent se retrouver au coeur de bien des discours artistiques. Et ce, quel que soit l’endroit sur le globe d’où celui-ci émerge. Naharin’s Virus, une pièce dansée par la Batsheva Dance Company d’Israël et présentée au FIND, en est un autre témoignage. Pour cette création, le chorégraphe Ohad Naharin s’est inspiré de l’oeuvre-choc Outrage au public, du romancier autrichien Peter Handke. Nous pourrons d’ailleurs en apprécier le prologue, qui sera récité sur scène par l’un des danseurs. Un élément du spectacle qui aura probablement pour conséquence de nous projeter rapidement au centre du propos de Handke et de Naharin: le fait que cette réalité de tous les jours puisse avoir un effet néfaste sur le genre humain, le poussant parfois aux limites du désordre psychique.
Stefan Ferry, danseur pour la compagnie établie à Tel-Aviv, nous donne un aperçu de cette création, vécue de l’intérieur. "Avec Ohad, le dialogue entre danseur et chorégraphe existe vraiment, confie-t-il. Nous sommes 16 interprètes et chacun apporte ce qu’il a de singulier. Ça ouvre donc la pièce sur de multiples points de vue… de multiples horizons. Car personne ne parle corporellement de la même manière. Ce qui intéresse justement Ohad, c’est de voir comment on en vient tous à parler son langage, qui est un langage bien particulier."
Effectivement, cette gestuelle se distingue par une sensualité et une audace, mues par une énergie hautement physique et surprenante. Reprenons à ce compte les propos de Deborah Jowitt, du Village Voice, qui décrivent avec une justesse poétique l’impression que peut laisser cette oeuvre: "Si on pouvait tenir au creux de sa main l’une des danses d’Ohad Naharin, ce serait doux comme une pierre polie; à l’image de celle-ci, elle a l’aspect d’une sculpture secrètement gardée; mais lancez-la avec force et elle devient une arme."
Une arme sensible dont le maniement délicat, une fois maîtrisé, peut permettre de toucher plus d’une fois le même coeur. "Pour danser les créations d’Ohad, il faut au préalable avoir saisi l’essence de son vocabulaire, explique Stefan Ferry. Quand il constate qu’un danseur a bien mastiqué, avalé et digéré son langage, il le nourrit d’autres petites trouvailles… d’informations nouvelles. Ce n’est jamais installé et immuable. Ce qui fait qu’on peut vivre maintes fois ses oeuvres de façon différente. C’est très stimulant. Et je crois que c’est ce qui garde le mouvement très vivant… très authentique, dans ses pièces."
Cette figure de proue de la danse contemporaine israélienne possède une feuille de route impressionnante. La Batsheva Dance Company, fondée en 1964 par la baronne Batsheva de Rothschild, a d’abord accueilli Ohad Naharin comme élève et danseur, jusqu’à ce que Martha Graham l’invite à danser pour sa compagnie, aux États-Unis. Par la suite, il est passé par la Julliard School de New York et par le Ballet du XXe siècle de Maurice Béjart, puis il signait sa première oeuvre en 1980. Dix ans plus tard, après avoir travaillé comme chorégraphe attitré de plusieurs compagnies américaines, il devint le directeur artistique de la Batsheva, qu’il propulsa rapidement à un niveau international.
L’année dernière, les Montréalais ont pu faire connaissance avec son univers lors d’un spectacle consacré à son oeuvre, qui fut dansé par les Grands Ballets Canadiens de Montréal. Une fois de plus, voici la vision du monde de cet artiste qui a beaucoup voyagé et qui a su tirer parti des multiples expériences vécues au sein de nombreuses compagnies. Naharin’s Virus est l’oeuvre d’un homme mûr ayant compris l’importance du dialogue et du questionnement en art.
Les 2 et 3 octobre
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts