FIND- Rencontre: Meg Stuart : Corps extrêmes
MEG STUART et la compagnie belge Damaged Goods présentent au FIND ALIBI, spectacle qui explore les limites des capacités physiques.
Guerre, terrorisme, suicide, règlement de comptes, taxage dans les écoles, femmes battues, violées, tuées par un conjoint possessif et jaloux… La violence. Dans les grandes métropoles, elle est palpable. Aux nouvelles, le soir, elle remplit les ondes. Il n’est plus possible de faire la sourde oreille. Toutes les têtes sont tournées vers elle et cherchent à la comprendre, à trouver un responsable. N’y en a-t-il qu’un? Ne sommes-nous pas tous responsables?
ALIBI, la pièce que la compagnie belge Damaged Goods nous présente au FIND, sous la direction de l’artiste d’origine new-yorkaise Meg Stuart, pourrait ressembler à un documentaire artistique sur le sujet, en direct des tréfonds de l’âme humaine. La chorégraphe y explore, par le biais des arts visuels, du texte, de l’improvisation et bien entendu de la danse, les effets de l’intensité émotive sur un corps de plus en plus projeté aux limites de ses capacités physiques. "Le corps est une coquille, un contenant, sur lequel viennent se répercuter les émotions, affirme-t-elle. Ces échos engendrent par le fait même le mouvement… ainsi que la texture qu’il prendra."
Dans cette optique, si l’émotion exprime une grande violence intérieure, la motion s’avérera extrême. Mais pourquoi ce besoin de sentir la présence d’une limite? Où se trouve donc cette limite qu’on semble chercher, tant dans l’art que dans nos rapports interpersonnels? Pour les baby-boomers, sky was the limit. C’était une arrogante imposture, leurs progénitures s’en sont vite aperçues. Pourtant, cette désillusion est devenue le moteur d’un dépassement encore plus vertigineux et obstiné pour ces derniers… comme celui des scientifiques, par exemple, qui ne croient pas en Dieu, mais qui tentent encore de prouver l’existence d’un créateur.
Qu’y a-t-il à prouver si tout est là? À qui voulons-nous le prouver? Et pourquoi? Le questionnement qu’une pièce telle ALIBI soulève est au faîte de la contemporanéité. Selon Meg Stuart, la société actuelle ne nous donne qu’une illusion de choix et de liberté, car dans les faits, les gens subissent de plus en plus de pression et ont de moins en moins de moyens par lesquels ils peuvent s’exprimer. Comment la différence peut-elle exister dans ce royaume de l’uniformité? De cela, découle donc la présence de nouvelles voies d’expression parallèles et de plus en plus indirectes, soit la violence et le virtuel… ou encore, la violence dans le virtuel.
Dans un même ordre d’idées, si cette réalité expressive inexprimable est progressivement détournée dans le virtuel – afin qu’elle trouve une réponse dans une violence qu’on peut constamment renouveler – qui peut s’assurer que virtuel et réalité resteront toujours deux choses bien distinctes dans l’esprit du commun des mortels?
"J’ai choisi le titre ALIBI parce que ça fait référence à notre façon de justifier nos actions, explique la chorégraphe. Aussi, quel est notre engagement, comme individu, face à la violence." Engagement et responsabilité. Deux termes oubliés qui réintroduisent l’individu dans sa chair et son rôle social. Mais aussi, qui résonnent tel l’effondrement de deux gigantesques tours… Ce jour-là, la réalité américaine a été dépassée par sa fiction. C’est peut-être cela qui nous a fait le plus peur: cette réelle absence de remords de la part de celui qui détruit, comme dans Rambo ou Terminator.
Pour cette artiste américano-belge, le lien harmonieux entre l’émergence de nos émotions et l’expression de celles-ci à travers le corps est un thème essentiel. Voilà pourquoi son discours artistique en est teinté. Il devient vital pour chaque individu de trouver un lieu commun d’expression et de partage, mais aussi d’apprendre à gérer l’énorme quantité de stress découlant du rythme de vie effréné que l’on mène. L’oeuvre et la réflexion de Meg Stuart sont sans contredit à l’image de cette période d’angoisse et de questionnement qu’est ce début de troisième millénaire…
Il est à noter que la pièce ALIBI, dont la conception et la direction ont été assumées par la chorégraphe, est une cocréation impliquant la collaboration des interprètes Simone Aughterlony, Joséphine Evrard, Davis Freeman, Andreas Müller, Vania Rovisco, Valéry Volf et Thomas Wodianka.
En parallèle à ce spectacle, vous êtes convié à un laboratoire de discussion organisé par le FIND, qui se tiendra le jeudi 2 octobre (17 h), à la Société des arts technologiques, où Meg Stuart abordera, entre autres, les deux thèmes suivants: les effets du stress sur le corps et le corps psychique dans l’art. Également, vous pouvez assister à la présentation d’un work in progress, dont la source d’inspiration est l’intensité émotive, le 7 octobre (21 h), à l’Usine C.
Du 30 septembre au 3 octobre
À l’Usine C
Voir calendrier Danse