Iphigénie : Critique: Iphigénie ou le péché des dieux
Jusqu’au 18 octobre
Au Théâtre Périscope
Lumière sur les dieux. Beaux, lascifs, ils s’amusent, se prélassent. Et avides de divertissement, débattent: doit-on réclamer, ou non, le sacrifice d’une mortelle? Cette mortelle, c’est Iphigénie.
Les dieux le veulent; s’enclenche alors la tragédie, que signe Michel Azama au moment de la guerre du Golfe. Iphigénie ou le péché des dieux, suite de courts tableaux, raconte les moments précédant le sacrifice de la jeune fille, immolée par son père Agamemnon pour obtenir des vents favorables au départ de la flotte grecque vers Troie.
L’espace de jeu, ovale presque nu au plancher recouvert d’une fine couche de sable (Christian Fontaine), évoque – idée aussi simple que brillante – une arène. Sur une plate-forme en hauteur prennent place les dieux capricieux, se repaissant de la souffrance des mortels soumis à leur humeur changeante.
La mise en scène de Lorraine Côté, misant sur le symbolisme de ce décor épuré, crée de superbes images; elle fait, de plus, large place au texte et au jeu qui présente, ici, un pari intéressant. Au cours de la pièce, les 10 comédiens intervertissent les rôles, devenant tour à tour membres du choeur ou personnages principaux.
Ces changements évoquent bien sûr l’universalité du drame; mais ils ont aussi pour effet de rompre la continuité de l’action, et de créer une distanciation qui gruge quelque peu la puissance de la tragédie. Cette manière de faire, toutefois, révèle des facettes diverses d’un même personnage, et permet de découvrir les visages différents que peut prendre, parfois presque dans un souffle, un même acteur.
Les jeunes comédiens livrent un travail d’une grande cohésion; de solides talents se découvrent, ou se confirment. Si dans les scènes – très difficiles – de souffrance intense, de colère ou de révolte, les effets semblent parfois trop appuyés, dans les scènes pleines d’affection – et elles sont nombreuses -, la beauté émerge, en finesse et nuances. Parmi plusieurs interprétations prenantes, on retiendra la Clytemnestre de Myriam LeBlanc, déchirante, l’Agamemnon de Serge Bonin, bouleversant de retenue, l’Iphigénie de Valérie Descheneaux, mélange touchant de fragilité et de force.
La mise en scène, par les gestes parfois stylisés, les costumes magnifiques (Isabelle Larivière), la sensibilité des mortels, donne de la vie humaine une image harmonieuse. Fragile, cependant, devant le mépris des dieux, dont l’indifférence évoque celle de tous les détenteurs de pouvoir qui commandent la guerre.