Wajdi Mouawad – Incendies : Brûler les planches
Scène

Wajdi Mouawad – Incendies : Brûler les planches

Le printemps dernier, une série d’Incendies allumés par Wajdi Mouawad a embrasé le public français. De retour au Québec, l’auteur et metteur en scène est encore sous le choc de l’accueil délirant réservé à sa création, qui sera présentée au Centre national des Arts dans le cadre d’une Carte blanche qui lui est offerte. Une ouvre qu’il rêvait de monter depuis qu’il a raconté pour la première fois la très belle histoire de Littoral, dont il s’agit en quelque sorte de la suite.

Fabuleux conteur dans la vie comme au théâtre, Wajdi Mouawad confie d’unevoix posée que ce spectacle lui a permis de découvrir quel auteur il étaitvraiment. Avec Incendies, il a fait un pas en avant. "J’ai vraiment eul’impression d’accomplir les choses de manière nouvelle", amorce-t-il. Etquand, en plus, le public et les diffuseurs en redemandent et qu’unenouvelle tournée, pas prévue du tout, s’organise… c’est le bonheur. "Lescomédiens sont plus qu’heureux, ils se sentent engagés dans quelque chosed’important. Moi, j’ai le sentiment que l’enfant que j’étais est extrêmementreconnaissant envers l’adulte que je suis devenu de ne pas l’avoir trahi. J’ai la conviction intime de ne pas avoir triché."

Cette fois encore, il creuse le même sillon, celui de la mémoire, de laguerre et de l’exil. Sauf qu’il en extrait une matière plus riche, plusbelle, dit-il. Incendies met en scène deux jumeaux qui tentent de comprendre pourquoi leur mère, qui vient de mourir, s’était murée dans le silence. Pour ce faire, ils partent à la recherche d’un père et d’un frère dont ils ne savent rien. Cette idée a germé dans la tête de l’auteur lors de la création de Littoral, au Festival de Théâtre des Amériques, en 1997. Pas question toutefois de la concrétiser sans moyens. Surgissent quelques années plus tard deux directeurs de théâtre français qui souhaitent coproduire avec le Quat’Sous, dont il est encore directeur jusqu’à la fin de cette saison théâtrale, une création de lui. Il demande carte blanche et l’obtient. Les premières étincelles d’Incendies viennent de jaillir…

"Je leur ai dit que je voulais répéter avec les comédiens durant 10 mois, pour pouvoir écrire le texte au fil des répétitions."

Le temps et l’espace
"On a commencé le travail par deux semaines de discussions.

Je leur ai donné un cours sur l’histoire de la guerre du Liban, qui acommencé avec Noé et le déluge et qui a duré 10 heures." Ils parlent de leursorigines, de réconciliation, de l’importance de raconter une histoire authéâtre. "D’où vient ce sentiment de quétainerie profond que j’ai parce queje n’utilise pas les nouvelles technologies? Est-ce qu’un acteur debout, entrain de dire un texte, ça a encore de la valeur?" leur demande entre autresle metteur en scène.

Puis ils commencent à travailler dans l’espace. "On a tellement parlé des personnages qu’au bout d’un mois et demi, les comédiens les connaissaient comme les membres de leur famille. Alors, lorsque je me suis mis à écrire, cela a coulé de source. Ce travail m’a permis d’en apprendre sur mon langage scénique. Raconter une histoire, c’est essentiellement choisir la manière dont on va disloquer le temps et l’espace. Ce sont les fondements mêmes d’un récit. Le temps, pour moi, est associé à la lumière et l’espace, au corps. Donc, mettre le corps en lumière, c’est faire dialoguer l’espace avec le temps."

Une fois la pièce écrite et le travail de mise en place accompli, ilss’envolent pour Grenoble. Mais une fois là-bas, rien ne va plus. Conscient que "quelque chose cloche", Mouawad achète un billet de train pour Paris et passe quatre heures dans un wagon à raturer son texte. Il retranche une heure de spectacle. "Et c’est là que j’ai fait quelque chose de nouveau. Avant, je coupais en voyant ce qui était de trop lors des représentations. Cette fois, j’ai réussi à voir les longueurs avant." Trois jours plus tard, il est récompensé par une ovation du public.

"La réaction a été tellement élevée, élevante, que je suis revenu à Montréalétourdi, avec le sentiment d’avoir avancé à travers une histoire importantepour moi."

Bien qu’il soit question de filiation en période de guerre dans Incendies, Wajdi Mouawad affirme qu’il s’agit avant tout d’une histoire d’amitié au féminin. "Cette fois, j’avais envie d’écrire pour les femmes. Incendies est en quelque sorte la deuxième partie d’une ouvre quadripartite amorcée avec Littoral", révèle-t-il. Le troisième volet pourrait s’appeler Ciel et prendre la forme d’un roman, confie-t-il. On brûle déjà de curiosité…

En attendant, à compter du 9 octobre, vont se côtoyer sur la scène du Théâtre du CNA les comédiens Annick Bergeron, Éric Bernier, Gérald Gagnon, Reda Guerinik, Andrée Lachapelle, Marie-Claude Langlois, Isabelle Roy, Richard Thériault et Sonia Vigneault (en remplacement d’Isabelle Leblanc) dans Incendies, qui est aussi l’histoire de ce groupe.

Les 9, 10, 11, 17 et 18 octobre
Au Théâtre du Centre national des Arts
Voir calendrier Théâtre