Impératif présent : Secret de famille
Scène

Impératif présent : Secret de famille

Un parfum de mystère plane ces jours-ci sur le Théâtre de Quat’Sous. Après nous avoir révélé qu’il y aurait une suite à la pièce Le Vrai Monde? de MICHEL TREMBLAY, voilà que l’on s’amuse à tout nous taire (ou presque) de ce très attendu Impératif présent, dans lequel JACQUES GODIN et ROBERT LALONDE se donneront la réplique sous la direction d’ANDRÉ BRASSARD. Indices…

Impératif présent replace le fils face au père, 30 ans plus tard, dans un texte dont la structure nous reste volontairement cachée. Le Vrai Monde? nous offrait, en 1987, une forme novatrice de par sa mise en abyme efficace et son dédoublement des personnages. Cette fois-ci, deux acteurs seulement se partagent la scène. On se demande bien quel sera le procédé utilisé…

Si Le Vrai Monde? nous présentait la fougue d’un jeune auteur désireux de rejoindre son père par l’écriture et se heurtant à l’incompréhension et au rejet de celui-ci, Impératif présent nous plonge dans un rapport père-fils basé sur une rancune mutuelle, consolidée au cours des années par un entêtement de part et d’autre. On y retrouve Claude à 50 ans, auteur reconnu de pièces à travers lesquelles il attaque encore et toujours son père, tandis que celui-ci vieillit seul, veuf et abandonné. La rencontre du père et du fils laisse présager un affrontement entre deux générations qui ont vieilli. "Les deux personnages ont au départ des modes de communication très différents, note Robert Lalonde, qui incarnera Claude. L’un fait partie de la génération qui parle spontanément, alors que l’autre utilise le discours réfléchi." Mais est-ce seulement un problème de communication? "Non, bien sûr", poursuit l’acteur en expliquant que le conflit semble nécessaire aux deux personnages. "Claude a construit son oeuvre sur la haine, et s’il ne hait plus son père, s’il n’a plus de raisons de le haïr, toute son oeuvre ne tient plus." Quant à Alex, il reproche à son fils d’écrire des calomnies. Il ne garde par le fait même aucune responsabilité face à ses propres malheurs. "Alex croit que son fils a détruit la famille, affirme Jacques Godin, qui interprétera ce rôle. Il est convaincu qu’il reste seul à cause de lui." Car si, dans Le Vrai Monde?, Claude avait le bénéfice du doute en tant que témoin de la famille, il n’a ici que des souvenirs comme ancrages. "Ce qui est intéressant, remarque ici Jacques Godin, c’est que nous sommes devant deux personnages qui fabriquent des histoires, chacun à sa façon." Si Claude reproche à son père de fuir la réalité en racontant continuellement des blagues, celui-ci fait de même en tordant la réalité comme il l’entend. "Il y a eu succession dans la fabrication du réel, poursuit-il. Il y a une filiation très évidente, physiquement et mentalement." Robert Lalonde, lui-même auteur, semble fasciné par ce personnage de l’écrivain qu’il situe néanmoins très loin de lui. "Je ne joue habituellement pas des écrivains. Mais ici, c’est la pensée que ce personnage va se libérer en écrivant qui m’a séduit. Surtout qu’il peut se perdre dans cette recherche de la vérité. Même s’il croit la détenir, cette vérité peut ne pas le délivrer."

Mais comment définit-on la vérité? Où commence le mensonge? Peut-on vraiment être objectif lorsqu’il est question de famille ou sommes-nous condamnés à voir selon un angle intéressé? "Il y a un point de rupture dans toute histoire de famille, constate Robert Lalonde. Il y a toujours un élément déclencheur qui peut être perçu contre soi, selon l’interprétation qu’on en fait. La forme particulière de la pièce, forme dont on ne peut parler, apporte un éclairage sur cela. Comment le père et le fils s’interprètent l’un l’autre…" Le public sera-t-il devant la possibilité de choisir une version des faits? Peut-être, si l’on en croit Robert Lalonde. "Mais la lecture de ce texte m’a troublé parce que ce n’est pas simple de trancher dans ce rapport-là. Je crois qu’à la suite de cette pièce, les spectateurs visiteront leur propre histoire de famille."

Sous prétexte qu’il soit trop tard, il semble toutefois impossible de s’attendre à un pardon. Mieux vaut tard? "Peut-être pas. Parce qu’il y a maintenant un confort dans le fait de croire ce que l’on croit", tranche Robert Lalonde. "On a trop construit sur la haine pour pouvoir s’en débarrasser sans risque, renchérit Jacques Godin. Il y a toutefois de l’amour entre les deux, amour qui ne peut se vivre à cause de cet acharnement à rejeter la faute sur l’autre, mais amour tout de même. Ce sera terrible de voir deux êtres en conflit devenir si proches." Parce qu’il y aura questionnement de part et d’autre. Qui reste le déclencheur de cette dissension, et surtout pourquoi? Jusqu’où peut-on se mentir à soi-même? Conflit entre eux mais aussi conflit intérieur. "Claude sent qu’il pourrait pardonner à son père à cause de cet amour qu’il porte en lui mais il ne le veut pas", observe Robert Lalonde. "La forme de ce texte est surprenante. Il est intéressant de voir comment tout cela bascule", confie Jacques Godin avec malice. Il nous faudra attendre le 13 octobre pour en savoir davantage…

Du 13 octobre au 22 novembre
Au Théâtre de Quat’Sous
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