Rencontre: Martin Bélanger : Joindre le geste à la parole
Scène

Rencontre: Martin Bélanger : Joindre le geste à la parole

À l’occasion du FIND, le Montréalais MARTIN BÉLANGER nous présente la reprise tant attendue de son happening multidisciplinaire Spoken Word/Body.

De nos jours, les chorégraphes québécois ressentent de plus en plus la nécessité de tenir un discours développé sur leur art. La réflexion chorégraphique de Martin Bélanger en est, présentement, l’exemple le plus frappant. Car son spectacle revêt la forme d’un monologue verbal et gestuel où notre corps socialement fonctionnel nous est expliqué de manière philosophique, sur le ton plutôt ludique de l’anecdote.

Le chorégraphe-interprète s’explique à ce sujet: "Nos corps sont imbriqués dans une mécanique quotidienne sans faille. Tous nos mouvements sont coordonnés en fonction d’une codification précise, dans le but que la structure sociale fonctionne. Il y a donc peu de moments où nos corps sont libres, car ils sont emprisonnés dans des patterns. Pour reprendre les paroles de l’instructeur avec qui je poursuis une formation en technique Alexander: nos corps s’ennuient"

Comment voir autrement nos rapports avec l’environnement? Déjà faut-il commencer par se poser des questions… "Je me suis toujours demandé pourquoi je fais ce que je fais et pourquoi je le fais devant des gens, déclare Martin Bélanger. À ce sujet, je me rappelle toujours cette phrase de Cocteau: "Mais qu’est-ce que cette maladie de vouloir à tout prix s’exprimer?"" Cette démarche réflexive semble d’ailleurs être le moteur de sa création. "Je ressens le besoin de faire tomber le voile hermétique et précieux qu’on a longtemps reproché à la danse contemporaine, explique-t-il. Ceci, pour rapprocher la danse des gens… la rendre plus accessible. Mais aussi, parce que je crois que la scène est un lieu d’échange."

D’autre part, notre artiste-penseur est honnête avec lui-même, car il est conscient que s’il dévoile un mystère, c’est peut-être pour en créer un autre. Il ne faut donc rien tenir pour acquis. "Je considère que les arts de la scène, c’est quelque chose de périssable. Ce n’est pas parce que je fais un truc aujourd’hui que ce sera encore valable dans un an… Tout ceci est un concours de circonstances réunissant plusieurs éléments: le contexte, comment je me sens par rapport à ce que j’ai déjà fait et à ce que j’ai envie de faire, etc."

Spoken Word/Body est, comme son titre le laisse entendre, une pièce où la langue anglaise a également sa place. Pourtant, Martin Bélanger est francophone. C’est qu’il réside dans la seule métropole du Canada où le bilinguisme est un fait réel… et pas qu’un simple idéal politique. Son spectacle sera ainsi présenté une fois dans la langue de Shakespeare, et l’autre fois dans celle de Richard Desjardins…

Quand on lui demande quelle version il préfère interpréter, notre artiste bilingue répond: "Étrangement, je trouve ça plus facile de faire le spectacle en anglais. Vu que ce n’est pas ma langue maternelle, ça crée comme une distance." Par ailleurs, l’utilisation de la parole à l’intérieur d’un spectacle de danse ne semble pas être une chose simple. "Spoken Word/Body est un show que je trouve dur à faire, parce que j’y émets des idées. Et lorsque tu parles sur scène, que tu ne te contentes pas de bouger, tu es toujours sujet à une autre forme de critique ou de jugement. C’est ce que je trouve un peu plus difficile à assumer."

Martin Bélanger se considère davantage comme un artiste de scène – au sens large du terme – que comme un danseur de carrière. En outre, il était déjà monté sur les planches bien avant de bifurquer vers la danse. "J’ai commencé à participer à quelques projets de théâtre à partir de l’âge de 16 ans, environ. À un moment donné, je me suis aperçu que j’aimais beaucoup bouger, dans le théâtre… D’ailleurs, je suis plus un bougeux qu’un technicien de la danse…"

Il a d’ailleurs collaboré récemment avec Benoît Lachambre, au cours d’une soirée de performances présentée dans le cadre des 100 Rencontres. Et il fait également partie du collectif de théâtre expérimental PME (dirigé par Jacob Wren), lequel nous a donné les oeuvres En français comme en anglais, it’s easy to criticize et Unrehearsed Beauty / Le Génie des autres.
Comme chorégraphe, il présentait en 2001 L’Ère des ténèbres ainsi que Démonstration no 1, présentée à New York en 2001 et au Japon en 2002. Martin Bélanger ressemble à ces artistes discrets, animés par une force tranquille qui les dirige davantage vers un travail artistique profond que vers le feu de paille d’un succès rapide mais éphémère.

Veuillez noter que toutes les représentations de Spoken Word/Body à l’Agora de la danse seront données en français.