Prophètes sans dieu – Entrevue avec Slimane Benaïssa : L'enfer, c'est les autres
Scène

Prophètes sans dieu – Entrevue avec Slimane Benaïssa : L’enfer, c’est les autres

SLIMANE BENAÏSSA est l’un des dramaturges algériens les plus importants de sa génération. Jovial, le rire franc et chaleureux, il ne mâche pas ses mots, ce qui lui a valu d’être contraint à l’exil. Résidant maintenant en France, il poursuit son oeuvre, qui traite avec humour d’identité, d’espoir et de  mémoire.

Dans Prophètes sans Dieu, Slimane Benaïssa joue son propre rôle dans un texte très personnel sur ses questionnements religieux. "C’est la plus vieille pièce qui dormait au fond de moi, raconte le dramaturge. Dans ma maison, quand j’étais enfant, il y avait une famille juive, une famille musulmane et une famille chrétienne."

Sur la scène, c’est donc à l’âge innocent qu’on fait d’abord la rencontre de l’écrivain. "Tout naît dans ma tête. Je rêve moi-même d’être prophète, mais sans Dieu. Et dans ma naïveté d’enfant, je crois que c’est un métier, alors j’appelle les prophètes pour qu’ils me donnent des astuces, m’enseignent. Au bout d’un moment, je suis dépassé par eux. Dès qu’ils se voient, ils entrent dans un état conflictuel, et je suis dépassé par le conflit. J’ai beau intervenir, je n’arrive pas à les maîtriser." C’est Moïse qui convoque Jésus et Mahomet, droit d’aînesse oblige. "C’est le premier à avoir dit que Dieu est unique. C’est le grand frère", observe Slimane Benaïssa.

Jésus et Moïse s’impatientent bien vite: c’est que Mahomet n’arrive pas. "Il ne vient même pas discuter parce qu’il se dit être le plus grand." C’est aussi que sa religion interdit à l’auteur de le représenter. "Je suis donc aussi dépassé en tant qu’auteur, parce que je n’arrive pas à maîtriser les acteurs. Ils veulent absolument que Mahomet vienne. Donc c’est une pièce sur le dépassement aussi. C’est à se demander si ce n’est pas parce que Dieu a été dépassé par ses propres prophètes que nous, on dépasse les prophètes." En effet, l’homme va facilement au-delà des paroles prononcées. "Quand on voit toutes les bibliothèques qu’il y a dans toutes les Églises du monde, tous les livres sur la Kabbale et sur l’islam, si ces prophètes ont voulu dire ça, c’est que vraiment, ils sont très forts! […] Il y a un monsieur qui me disait: "Les religions, ça se multiplie comme des oignons. C’est toujours la même feuille qui vient dessus mais il grossit. On en rajoute, c’est toujours la même chose.""

Pour l’auteur, la solution aux problèmes d’intolérance ne passe pas par les religions, mais par l’homme. "Dieu nous menace de l’enfer. Mais c’est l’enfer sur terre, alors la menace est caduque!" s’esclaffe-t-il. Comme on dit, vaut mieux en rire.

Du 22 au 25 octobre
Au Théâtre Périscope
Voir calendrier Théâtre