Blue Tempo en cinq : Pilules du bonheur
Scène

Blue Tempo en cinq : Pilules du bonheur

Blue Tempo en cinq. Deux langues, deux personnages, et au total, de multiples talents. Texte, musique, chorégraphies, chant, séquences vidéo, jeu, humour et répliques cinglantes: tous les ingrédients sont là pour nous faire rire, pour contester, et aussi, dans le détour, pour nous toucher. Il s’agit de cinq courts textes au ton assez télégraphique sur "l’urgence de continuer à vivre, trop vite et trop parfaitement", mais aussi sur l’amitié et la complicité. Cinq tempos différents, comme autant de remises en question personnelles et sociétales, de doutes, de plaisirs et d’ébranlements du sens, des origines.

La dernière production de la compagnie de théâtre Voxtrot (Écho d’une miette, La Foire de l’inertie) touche plusieurs facettes de la création. Le texte de Michoue Sylvain (qui joue également dans la pièce avec Charmaine LeBlanc), découpé en petits sketchs, se marie parfaitement au rythme syncopé que la mise en scène appelle. Le spectacle est ponctué de belles images, poétiques, pas trop léchées, nous montrant Montréal sur grand écran, tendrement, comme ces scènes du parc La Fontaine au moment où l’aube, vacillante, émeut même les canards. Il y a la musique originale assurée par Charmaine LeBlanc et Dino Giancola, mais aussi celle de Gowan, Cosmetics, qui vient souligner avec légèreté une scène où l’absurdité de la consommation et de l’industrie de la mode est criante. De plus, une pièce de Wojtek Gwiazda (aussi responsable des séquences vidéo) relève remarquablement une espèce de chorégraphie pour "beurrage de toasts" où nos interprètes se transforment en percussionnistes faisant danser les couteaux.

Dans un autre passage, le rythme endiablé et la musique qui se dégagent des martèlements sur la table, du bruit des pilules qui s’agitent dans leurs boîtes et en tous sens, donnent encore une impression de folie et d’amusement à une scène qui critique et fait réfléchir sur ce monde pharmacologique qui nous gouverne en partie, l’esclavage qu’il entraîne, les tests sur les animaux, ainsi que les effets secondaires que peuvent causer les médicaments. Encore une fois, la dextérité rythmique et la complicité des interprètes (ces artistes travaillent ensemble depuis 15 ans) nous exposent à une impressionnante chorégraphie des petits gestes, qui apparaît au spectateur, malgré le sérieux du sujet, comme une pause humoristique.

"No buddha is perfect", lance le bouddha de la compassion à un collègue (entre bouddhas…), mais cette dernière séquence, qui se déroule souvent dans la langue de Shakespeare (exprimée clairement, pour le profane), est moins enlevante que le reste du spectacle. Peut-être parce qu’elle surprend moins, que sa forme est plus éloignée de la proposition de départ. Mais la chute est bonne, faisant une boucle avec le climat chaleureux, intime, de la rétrospective présentée au début. L’ambiance, à nouveau, est à la confidence. On sort ravi de la rencontre mouvementée, plus que jamais critique de son époque.

Du 16 au 19 octobre
À Tangente
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