La Muselière : De l’amour et des restes humains
Vous souvenez-vous de cet enfant à la langue bien pendue dans le film La Postière de Gilles Carles? STEVE GENDRON, devenu jeune adulte après avoir été l’enfant prometteur de ces dernières années, livre une première prestation théâtrale désarmante dans La Muselière d’YVON BROCHU, mise en scène par FRÉDÉRIC ANGERS.
C’est une équipe tout droit sortie du petit écran que l’on retrouve sous cette Muselière, produite par la nouvelle compagnie Les Productions Grandeur Soleil. En effet, trois jeunes acteurs de la télévision (Mathusalem, Mon meilleur ennemi, Cauchemar d’amour) s’échangent la réplique pour la première fois au théâtre dans ce texte écrit par l’auteur de la célèbre émission Pop-Citrouille. Frédéric Angers, le metteur en scène, est pour sa part l’un des visages connus de la populaire série Virginie.
La jeune et audacieuse troupe nous entraîne dans la vie mouvementée d’un trio amoureux. Un mystérieux couple formé d’un auteur en panne d’inspiration et d’une professeure de philosophie ayant des tendances au sado-masochisme voit son quotidien bousculé par l’arrivée de l’amant de cette dernière. Le soupirant (Steve Gendron), un chargé de cours névrosé et suicidaire, sera recueilli par le mari cocu et invité à demeurer avec le couple quelque temps afin d’insuffler à l’écrivain la verve perdue. Les deux hommes se lieront par opportunisme jusqu’à ce que la vérité éclate et entraîne un geste sanglant.
Les trois personnages évoluent dans un décor chargé d’objets à consonances diverses, lingerie fine, gargouille, poupées ensanglantées, ombrelles, dactylo en pièces, laissant présager le bric-à-brac de leurs sentiments confus. Or, même si le divertissement fonctionne et que le rire émerge à plusieurs reprises, il reste difficile de croire en ce que l’on nous présente et par le fait même d’en être touché. La raison en est simple: les trois acteurs ne semblent pas jouer sur le même thème. Si Steve Gendron demeure indéniablement habile et imaginatif dans le rôle de l’amant neurasthénique et que Francis Vachon crée un auteur naïf construit et travaillé au quart de tour, la jeune Priscilla Poirier garde étrangement une constance réaliste (peut-être même télévisuelle) qui se frappe au jeu burlesque et théâtral de ses partenaires. Il en résulte une absence de cohésion qui nuit à l’illusion.
Malgré ses quelques faiblesses, attribuables à l’inexpérience (vulgarité utilisée maladroitement comme effet comique, changements de scène parfois malhabiles), La Muselière nous offre de très bons moments. Des scènes de couple rappelant les Martha et Georges d’Edward Albee, où mari et femme se disputent le rôle de manipulateur entre deux scotchs, une performance jouissive de la part des acteurs, mais surtout une énergie débordante et la fougue des débuts qu’il faut encourager… Pour bon public.
Jusqu’au 25 octobre
Au Centre culturel Calixa-Lavallée