L’Enfant-problème – Entrevue avec France LaRochelle : Le passé revient
Huis clos dans une chambre de motel. Denise, ex-droguée et ex-prostituée, et RJ, tout juste sorti de prison, attendent avec angoisse le verdict: leur rendra-t-on la garde de leur fillette, âgée de trois ans? Tel est le noyau de L’Enfant-problème, pièce du Torontois GEORGE F. WALKER qui lui valut, en 1998, le Prix Chalmers de la presse canadienne.
France LaRochelle incarne Denise; à ses côtés, Stéphan Allard joue RJ. "Pour prouver qu’ils sont capables de changer, explique la comédienne, les deux personnages ont été forcés de quitter la ville et toutes ses mauvaises influences. Confinés dans une chambre, ils attendent les instructions. Ça dure deux ou trois jours; mais il se passe bien des choses. On y voit leur relation avec le concierge (Pierre Gauvreau), toujours saoul, et avec la travailleuse sociale (Lorraine Côté). On y découvre aussi tout ce qu’ils sont prêts à faire pour ravoir leur fille, que ce soit correct ou non…"
Confrontés à un système auquel ils doivent se conformer, mais dont ils ne maîtrisent pas toutes les règles, Denise et RJ doivent aussi se battre contre les préjugés. De là, affrontement des valeurs, des façons de vivre. "La travailleuse sociale représente le bien, la rectitude, ce qui ne l’empêche pas d’être manipulatrice et pleine de préjugés. À côté, il y a Denise, un peu fataliste, qui refuse toute autorité, ne fait confiance à personne et se débrouille par elle-même. Entre les deux, RJ: il en a assez de la marginalité, et veut vivre dans le sens du monde. La pièce est basée sur le fait que ces personnages-là, en toute honnêteté, se défendent contre la vie qu’ils ont menée. Ils essaient de s’expliquer, refusent d’être catégorisés."
À leur image, la pièce évite aussi les clichés, les stéréotypes marqués. "Ce qui est intéressant, c’est que la pièce n’est pas moralisatrice. Il n’y a pas de bons, ni de méchants: tout le monde est un peu des deux. Le point de vue se déplace, et nous montre le côté humain de chacun. Même si les situations dépassent parfois l’entendement, ça reste quatre êtres humains qui ont leurs faiblesses et leurs forces, et à qui on donne raison tour à tour."
Pièce réaliste abordant un sujet sombre, L’Enfant-problème comporte toutefois, au dire de France LaRochelle, une dose d’humour. "Parfois, les situations dégénèrent; c’est alors tellement absurde que ça donne envie de rire. Même si c’est douloureux pour les personnages, il y a beaucoup d’humour. C’est assez noir, assez grinçant, mais on sent très bien un regard humoristique sur les situations."
Après cette pièce très urbaine et actuelle, la comédienne jouera les baronnes dans Turcaret, comédie du XVIIIe siècle. D’ici là, L’Enfant-problème la comble. "Je suis contente d’avoir la chance de jouer avec cette belle gang-là, de dire ce texte magnifique. Walker a le sens de la situation, le don d’écrire des belles engueulades: c’est assez jouissif, par moments. En plus, je suis chanceuse de jouer ce personnage fabuleux, à la fois complètement différent de moi, mais aussi très proche. Denise est dure envers elle-même, envers les autres aussi. Mais elle a une grande sensibilité, à cause de cet enfant qu’elle porte encore en elle depuis qu’elle ne l’a pas, et qui la rend hyper-vulnérable. Elle passe du rire aux larmes, à la colère, à la saoulerie: c’est un personnage très vaste. Ce côté dur et tendre à la fois est vraiment agréable à toucher; et il y a la composition qui est intéressante: c’est une ex-droguée, ex-prostituée, mais c’est une mère aussi; pas juste une bum."
Patric Saucier, assisté de Nadine Meloche, signe la mise en scène; Élise Dubé, Christian Fontaine, Catherine Higgins et Jean-Marc Saumier assurent la conception.
Du 28 octobre au 22 novembre
Au Théâtre de la Bordée
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