Les Fourberies de Scapin : Valet de rancoeur
Scène

Les Fourberies de Scapin : Valet de rancoeur

Sournoiseries, manigances mais aussi désirs de vengeance sont au programme de la Compagnie de théâtre Longue Vue, alors que celle-ci nous présente Les Fourberies de Scapin au Gesù, dans une mise en scène d’YVON BILODEAU. LUC SENAY, qui incarnera le rusé personnage, propose un valet que la rancoeur poussera à commettre des actes exagérés.

Ce n’est donc pas du tout sous le signe de la bouffonnerie que la sympathique compagnie, qui a maintenant huit spectacles à son actif, produit cette comédie de Molière. Rappelons que le Théâtre Longue Vue se donne comme mission d’initier les jeunes au théâtre et de leur donner le goût d’y retourner, tout cela sans subvention, animé seulement par le souci de faire du théâtre de qualité, même à petit budget.

Luc Senay est un de ces acteurs qui croient à la portée du Théâtre Longue Vue, alors qu’il joue avec eux et sous la direction d’Yvon Bilodeau pour la deuxième fois. L’acteur, que l’on a longtemps associé au Nouveau Théâtre Expérimental du regretté Jean-Pierre Ronfard, cherche toujours à retrouver la joie et le plaisir dans le travail, ce qu’il ressent rarement dans d’autres compagnies. "Après avoir travaillé dans le plaisir du jeu pendant 11 ans avec Robert Gravel, j’ai eu de la misère à faire le deuil du bonheur que j’avais avec cette famille-là", note l’acteur heureux d’avoir trouvé une telle ambiance au sein d’une équipe composée de Raymond Cloutier, Michèle Deslauriers, Nico Gagnon, Éveline Gélinas, Benoit Langlais, Guillaume Lemay-Thivierge et Charlotte Laurier. "On a besoin d’être inquiet, oui, de se questionner, mais ça ne doit pas basculer dans l’angoisse aiguë, poursuit le comédien. Je me suis questionné sur ce choix d’offrir Scapin à quelqu’un comme moi. Une peur, un manque de confiance, peut-être. Je n’avais jamais vu cette pièce, alors ce fut peut-être plus facile de me dire que je ferais un Scapin bien à moi, mon Scapin."

Et le Scapin de Luc Senay semble digne d’intérêt. On retrouvera le fourbe en pause, n’ayant plus le désir d’être grimacier ou perfide, commençant la pièce allongé dans un hamac. "Il a accroché ses mensonges, nous dit l’acteur. Mais devant la pureté de l’amour d’Octave et d’Hyacinthe, il décide de reprendre le collier. Tranquillement, toute sa vengeance va ressortir, à la fois à cause de ses démêlés avec la justice mais surtout par rapport à son maître Géronte. Il saute une coche, il va trop loin. Même après avoir réglé l’affaire des jeunes amoureux, il dépasse la frontière. On se retrouve alors devant un cas de vengeance personnelle."

Il n’y a toutefois pas relecture afin de moderniser la pièce, voire de l’alléger, comme on le voit souvent dans des productions visant un public adolescent. "On ne s’éloigne pas de la rigueur classique. On n’a pas le budget pour le faste habituel, bien sûr; c’est monté sobrement, mais efficacement, précise Luc Senay. La scénographie rappellera les tréteaux du théâtre de l’époque. Le jeu des acteurs y sera aussi pour beaucoup. Il y a des échos de commedia dell’arte dans certains jeux, notamment dans celui de Nico Gagnon, qui incarnera Sylvestre, l’autre valet. Nous déployons aussi parfois une énergie de bande dessinée. Scapin doit imiter des voix de soldats et je me suis inspiré des personnages des frères Dalton, par exemple."

Citoyen engagé, Luc Senay croit fermement que le théâtre peut éveiller les gens, adolescents comme adultes. "Quand on demande à quelqu’un qui a regardé la télé la veille ce qu’il a vu, il répondra: pas grand-chose. Quand on le demande à quelqu’un qui est allé au théâtre, il va répondre: j’ai haï ça, et se mettre à en parler; ou, à l’inverse, il va parler d’un coup de coeur, ou encore dire que c’était moyen pour X raisons. Mais il s’est passé quelque chose! Faire du théâtre, c’est donner ce goût-là aux gens. Et devant un public adolescent, c’est encore plus important. C’est formidable si les jeunes ressortent en disant que le théâtre, le classique, c’est le fun. La difficulté pour nous, c’est qu’il ne faut pas trahir les enjeux en faisant de la bouffonnerie. On veut tenir le spectateur en haleine. Scapin réussira-t-il à duper Géronte? Jusqu’où? On veut garder la tension tout le long…"

Du 30 octobre au 4 décembre
Au Gesù
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