Rencontre: Marc St-Pierre : Formule sanguine

Marc St-Pierre, ancien Nelligan du film de Robert Favreau, a décidé de troquer le métier de comédien contre celui d’auteur et metteur en scène, signant un spectacle qui a beaucoup fait parler au Festival Fringe Montréal, festival de création théâtrale. Malgré le caractère majoritairement anglophone de l’événement, La Voix du sang y remportait en 2001 le prix du meilleur texte original, une première pour une création francophone. St-Pierre, qui a assisté Robert Gravel dans sa mise en scène de Jésus au lac, nous offre une première oeuvre qui traite de la réunion.

La Voix du sang, c’est pour cet appel de Gilbert lancé à sa mère biologique, alors que vient de s’éteindre sa mère adoptive. Après avoir convenu d’un rendez-vous avec elle, il se rendra à l’Hôtel Métivier, mais elle ne sera pas là. Il n’y aura qu’André, ce frère inconnu et inattendu, enfermé dans son monde étrange, et ne voulant pas laisser sa place de fils unique. Malgré l’obstination de ce dernier, Gilbert attendra que sa mère revienne, poussé par un instinct plus fort que tout.

Pour Marc St-Pierre, la famille sert ici de prétexte pour parler du sentiment d’appartenance, dans son sens le plus large. "Ce qui m’intéresse, nous dit-il, c’est l’instinct qui nous pousse à nous rapprocher de nos semblables. Appartenance familiale, oui, mais aussi appartenance religieuse, sociale ou même politique. Je suis intéressé par ce besoin que nous avons tous d’appartenir à un groupe. On mondialise, on universalise, mais tout cela demeure économique, les liens entre les êtres humains sont complètement laissés de côté. On se retrouve très seul et responsable de tout. De notre propre bonheur, de notre réussite… Moi je me questionne par rapport à ça. On ne peut pas être seul, ça n’a pas de sens."

L’auteur, qui interroge l’individualisme, ne peut s’empêcher de rappeler ce principe un peu oublié voulant que l’union des parties dépasse leur simple adition. "Où il y a alliance, il y a automatiquement un gain supplémentaire", note le dramaturge et metteur en scène, inquiet de la montée d’égocentrisme perceptible dans nos sociétés.

La Voix du sang est une création construite en collaboration avec les deux comédiens René Arbour et Sylvain Pesant. La compagnie Théâtre Impropulsion, fondée il y a quatre ans par St-Pierre et les deux comédiens, a en effet pour mandat de travailler à partir des impulsions de l’acteur. Le spectacle a donc été élaboré en ateliers à l’aide d’improvisations dirigées et retravaillées par l’auteur. "La mise en scène, dans un sens, c’est les acteurs qui la font, remarque-t-il. Souvent je donne une consigne et le comédien a davantage envie d’un mouvement différent dans l’espace. Il trouve souvent le déplacement juste, d’instinct." Théâtre d’acteurs, donc, que nous offre la jeune compagnie. "Ce qui m’intéresse, c’est le jeu. Le public viendra voir un duel d’acteurs qui se partagent la scène pendant une heure et demie. La scénographie dépouillée leur donne toute la place. Il n’y a aucun artifice. Même la musique demeure à l’arrière-plan, laissant l’acteur en avant."

Sachant que les deux comédiens ont été formés avec Gina Couture, qui privilégie l’action ancrée dans le moment présent, on peut s’attendre à un duo très tonique sur scène. Quant à Marc St-Pierre, le travail avec les acteurs demeure pour lui non seulement un moment qu’il adore, mais aussi une étape garante d’une réception favorable. "Je crois qu’on a une obligation envers le public. Les gens se déplacent pour nous. À la première, je ne veux pas être inquiet. Je veux savoir que c’est un bon show." Si l’on en croit les adeptes du Fringe, il peut dormir tranquille.

Du 28 octobre au 15 novembre
Au Théâtre d’Aujourd’hui