Rencontre: Sylvain Poirier : L'oeuvre du temps
Scène

Rencontre: Sylvain Poirier : L’oeuvre du temps

L’interprète de talent SYLVAIN POIRIER se découvre tranquillement un goût pour la chorégraphie. C’est à Tangente qu’il nous présente Les Mémoires. Autobiographie d’un corps dansant.

C’est à la suite d’une blessure au dos l’ayant forcé à arrêter la danse pendant six mois que Sylvain Poirier prend soudain conscience qu’un virage doit inévitablement s’opérer dans sa vie. "Je me souviens que j’étais dans mon salon, inactif depuis tout ce temps, et que je me suis mis à bouger, par nécessité. J’ai alors senti que mon corps avait besoin de se remettre en mouvement, mais cette fois-ci, pour exprimer autre chose que la gestuelle d’un autre."

Ayant été interprète pour plus d’une vingtaine de chorégraphes depuis le début de sa carrière, en 1984, cet artiste du mouvement se rend maintenant compte qu’il porte en lui les traces du passage d’un lot de vocabulaires gestuels traduisant chacun un univers singulier. "Je suis en quelque sorte passé à travers les souvenirs de mon corps pour trouver une façon de bouger qui me ressemble."

À 44 ans, il sent le besoin de transmettre cette richesse aux autres. Les Mémoires sont donc celles de ses muscles, de ses os, de ses nerfs, de sa peau, de ses fluides, etc. "De l’émotion qui se cache dans la chair", pour reprendre ses mots. Un voyage de 20 ans dans le monde fascinant de l’interprétation, dont il nous livre l’essence en compagnie des danseuses Zoë Poluch et Elinor Fueter. "Même si nous sommes trois sur scène, il ne s’agit pas d’un trio, mais plutôt d’un solo à trois", tient-il à préciser. Ceci probablement dans le but de représenter, avec plus de justesse, l’écho d’un même mouvement à travers ces trois corps différents. Comme un clin d’oeil nous ramenant au propos de la pièce.

Lorsqu’on demande à Sylvain Poirier comment il perçoit la quarantaine, il répond qu’il se sent un peu "rushé". "Il y a plein de choses que je voudrais faire avec ce corps qui me sert d’instrument de travail et d’exploration, mais je sens malheureusement que je dispose de moins en moins de temps pour le faire." Aussi, nous avoue-t-il, il ne possède plus la même énergie qui lui permettait, avant, d’entreprendre trois productions en même temps. Ce ralentissement de tempo lui fait peur, car moins de contrats égale moins de revenus. La question d’argent est donc sur la table. Il lui faut compléter avec des emplois périphériques. C’est pourquoi il agit présentement comme répétiteur pour la compagnie Cas Public (Hélène Blackburn). Un glissement progressif qui l’amène peu à peu vers un autre aspect de la création qui semble être, pour plusieurs danseurs d’expérience, une éventualité souhaitable et presque inévitable.

Il est à noter que ce spectacle s’inscrit à l’intérieur d’une soirée partagée dont l’autre partie sera assumée par Sarah Bild – également une "vétéran de la danse" -, qui nous présentera ses deux nouvelles créations: Are You There Yet? et CRUSH.

Du 23 au 26 octobre
À Tangente
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