Rencontre: Deborah Dunn : Le temps retrouvé
La chorégraphe montréalaise DEBORAH DUNN nous propose une autre "expérience de l’éros" à travers la présentation, à Tangente, de son duo La Remplaçante.
"L’idée est venue de la lecture de William Wilson, un récit d’Edgar Allan Poe, nous dit-elle. On y découvre l’histoire d’un jeune et talentueux étudiant qui fait la rencontre dévastatrice de son double…" Le thème de la dualité se retrouve donc au coeur de l’oeuvre chorégraphique qui, au départ, était une commande des danseuses Rachel Harris et Maya Ostrofsky.
Rachel Harris étant présentement enceinte, c’est Deborah Dunn elle-même qui la remplace. On serait porté à croire que le titre de cette pièce tire son sens de là, mais, en fait, il sert plutôt à décrire le rôle d’un des deux personnages, soit cette jeune première énergique et enthousiaste qui pousse constamment sur la grande diva fatiguée par l’usure du temps, dans le but de prendre sa place. La remplaçante, c’est malheureusement la dure réalité pour bien des danseuses ayant atteint un certain âge. "La compétition est un tabou en art, avoue la chorégraphe. En danse, personne n’admet réellement que ça existe. Et pourtant… il y a beaucoup d’amour derrière tout ça. Je crois donc que la compétition entre femmes peut être vue également sous l’angle de la beauté."
Cette compétition, Deborah Dunn la connaît bien, elle qui tient sa connaissance du mouvement de la pratique de plusieurs sports dans sa jeunesse. Et qui a été élevée aux côtés d’une soeur d’un an seulement son aînée. "Elle était danseuse et c’est moi maintenant qui suis chorégraphe; j’ai fait mes études en arts visuels, et c’est elle maintenant qui travaille dans ce domaine. Nos destins se sont toujours croisés ainsi." À ce compte, la dualité relevée dans cette oeuvre pourrait, en partie, provenir de l’histoire personnelle de la chorégraphe.
L’esthétique de la pièce est hybride: moitié 19e siècle et moitié 21e. Or, le côté historique (et même parfois mythologique!) semble important pour la chorégraphe. "J’aime l’histoire. Et j’aime aussi qu’une oeuvre nous transporte dans un autre univers, un autre temps. Je crois qu’en danse, on peut faire ça simplement en reprenant certains gestes qui rappellent le sentiment d’une époque, comme, par exemple, le profil égyptien ou la pose expressionniste romantique…"
Une telle visée artistique peut parfois donner l’impression de ne pas s’inscrire dans l’air du temps qui se veut hyperréaliste, extrême et moins représentatif. Mais, selon la créatrice, la nécessité d’être absolument contemporain, d’être toujours à la fine pointe de la mode, de la tendance, limite réellement la création artistique.
Deborah Dunn espère créer dorénavant pour de plus grandes salles: "Mon travail est très visuel. Aussi, j’ai de grandes idées et j’aime inventer de grands personnages", confie-t-elle. Souhaitons-le-lui pour l’automne prochain, lors de la prochaine édition du FIND où nous devrions normalement la retrouver…
Notez que ce spectacle est présenté en soirée partagée, aux côtés des oeuvres de Karine Ledoyen et Lydia Wagerer.
Du 6 au 9 novembre
À Tangente