L'Enfant-problème : Critique: L'Enfant-problème
Scène

L’Enfant-problème : Critique: L’Enfant-problème

Jusqu’au 22 novembre
Au Théâtre de la Bordée

Un souffle balaie en ce moment la Bordée: L’Enfant-problème y passe en coup de vent. Rafale de nervosité, d’émotion, d’absurdité, de désespoir et d’humour cinglant, la pièce soulève, sur son passage, interrogations, révolte, compassion.

Mise en scène par Patric Saucier, la pièce démarre sur les chapeaux de roues: après une très brève image de calme, les personnages apparaissent, déjà à cran. Depuis une semaine, confinés dans une chambre dont ils n’osent sortir, Denise et RJ attendent la réponse d’Helen, une travailleuse sociale; c’est elle qui décidera si on doit leur rendre la garde de leur fillette, qu’on leur a enlevée quelques mois plus tôt, les jugeant inaptes à prendre soin d’elle.

Rencontres-interrogatoires avec Helen, discussions avec Phillie, concierge révolté par ce qu’on nomme la "justice", explications et tentatives de réconfort entre RJ et Denise, scènes où tout s’embrouille: la pièce nous fait traverser, avec les personnages, les étapes de leur attente, et les sentiments qu’elle provoque.

La scène représente une petite chambre de motel, typique et anonyme; au loin, un vaste ciel aux magnifiques couleurs sur lequel se détache l’enseigne, en lettres lumineuses dont le tracé malhabile évoque une écriture d’enfant. À l’image de l’action s’opposent, dans le décor (Élise Dubé) et l’éclairage (Christian Fontaine), l’espace fermé, où piétinent les personnages, et l’espace ouvert de leur rêve: retrouver leur fille.

À travers l’histoire de ces marginaux, démunis devant un système qui, au nom des règles, leur laisse peu de chances, la pièce de George F. Walker, rythmée et solidement construite, ratisse large. Échanges vifs et formules percutantes font rire ou se muent en tristesse; quel qu’en soit l’effet, le texte témoigne constamment d’un regard critique aiguisé et d’une profonde humanité.

Les quatre comédiens, excellents, nourrissent de leur énergie le mouvement de la pièce, et montrent bien la dualité de chaque personnage: Lorraine Côté, en travailleuse sociale à la fois doucereuse et intraitable; Pierre Gauvreau, en concierge révolté et peu sûr de lui; Stéphan Allard, en RJ aussi fasciné par la télé qu’il est désireux de garder la tête froide. France LaRochelle livre ici une forte interprétation, nuancée, projetant une Denise parfois frustrée et révoltée, parfois perdue et vulnérable, mais toujours, d’un état à l’autre, aussi vraie.

Si le départ de la pièce, un peu trop survolté dans le jeu, désarçonne, L’Enfant-problème ne tarde pas à happer et à entraîner le spectateur dans son tourbillon; la finale, alors que retombe doucement la poussière, laisse le spectateur drôlement secoué.