Marie-Pascale Bélanger : Autopsie d’un corps dansant
Tangente présente Un 2 sur le dos, de la chorégraphe MARIE-PASCALE BÉLANGER. Une nouvelle création dont l’atmosphère, remplie d’ambiguïté et de sous-entendus, pourrait rappeler celle des films de David Lynch.
"L’idée de la pièce est partie d’un rêve que j’ai fait, confie la chorégraphe. Dans celui-ci, je me trouvais à assister à un cours où l’on devait autopsier des gens. Ces gens-là, c’était des danseurs. Ça m’a marquée. Je suis donc restée avec cette idée de lit d’hôpital, de table d’opération. Il y a comme un côté chirurgical que j’ai gardé de ce rêve…" Une dissection de l’âme que l’on retrouve d’ailleurs dans le discours déboussolant des interprètes, qui nous amènent progressivement vers des zones où la raison flirte avec la folie.
La pièce est également bâtie comme un rêve. Il n’y a pas de linéarité. Seulement un tissu d’impressions plus ou moins clairement juxtaposées. Certaines transitions, habilement construites, font en sorte qu’on ne peut déterminer avec exactitude où les séquences débutent et se terminent. Ceci ayant comme conséquence de maintenir en place un effet de surprise, également nourri par l’ambivalence des sentiments. "Parfois, je donne des indications contradictoires aux interprètes et je les laisse s’arranger avec ça, affirme la chorégraphe. Ça m’intéresse de voir comment une personne se débat avec deux idées contraires, parce que la contradiction fait aussi partie de nous."
Marie-Pascale Bélanger admet que sa pièce Un 2 sur le dos annonce en quelque sorte une transition. "Ce que je faisais avant, c’était plutôt humoristique et théâtral. Là, je suis allée vers quelque chose de plus physique, qui joue sur les atmosphères… Je voulais développer le côté dramatique qui était présent dans mes oeuvres précédentes, mais un peu trop bien camouflé par l’humour. Or, pour moi, ce n’était pas nécessairement drôle, mais c’est ce que les gens percevaient le plus. J’ai donc, cette fois-ci, décidé d’enlever certaines couches parasites qui nuisaient à la perception du réel propos de ma création."
Malgré ce changement de priorité, on reconnaît toujours, de manière sous-jacente, la singularité de la gestuelle de la chorégraphe, se traduisant à travers un travail articulaire et musculaire dont la spécificité nous révèle souvent l’aspect concave du corps. Pour incarner cette gestuelle, nous retrouvons, une fois de plus, Elinor Fueter et Anne-Marie Jourdenais. Deux interprètes de talent pour qui le vocabulaire de Marie-Pascale Bélanger est un territoire connu, étant donné leurs six années de collaboration. À ces dernières s’ajoute un troisième corps dansant: Stéphane Labbé, récemment sorti de l’ADMMI.
Interprétation des rêves
Le mélange de ces trois formes de corporéité très différentes apporte un relief intéressant à l’oeuvre. Il en fait ressortir le côté multidimensionnel. Comme s’il s’agissait de trois aspects d’une même personne. "J’aime bien provoquer ce genre de switch de perception", nous dit la chorégraphe. Tant sur le plan physique que psychologique, d’ailleurs. Ceci, en mettant clairement en place, dès le départ, l’idée de représentation, pour ensuite la déconstruire en effaçant progressivement les paramètres qui nous servent de repères précis.
Afin que l’immersion dans cet univers du désordre soit également multisensorielle, Marie-Pascale Bélanger a fait appel à l’accordéoniste de rue Gabi Macaluso. "L’accordéon fait partie des instruments que j’aime, avoue-t-elle. Dans ma pièce, l’accordéoniste joue un peu le rôle de narrateur. Il met les choses en place. Il sert un peu de lien entre les séquences. Aussi, l’accordéon est un instrument joyeux et dramatique en même temps. J’aime cette ambiguïté. Ça convient bien à mon travail."
De plus, on pourra entendre en arrière-plan, comme un bruit de fond poétique, le travail de conception sonore de Rodrigo Rojas, effectué à partir de vieilles bandes magnétiques des années 50 à 80, sur lesquelles on retrouve des entrevues, des partys de famille, etc. Le tout contribuant à nous plonger dans cet état hypnotique d’hallucination ou de rêve éveillé auquel nous renvoie la pièce.
Soirée partagée
En complément de programme, vous pourrez voir le travail d’une créatrice de Sept-Îles, Julie Lebel, qui nous présente Cette violente franchise qui ressemblait à de la sincérité. Il s’agit d’une oeuvre comique, parfois absurde et burlesque, explorant les limites du drôle et de l’étrange, de la retenue et de la maladresse. Cette création est issue d’une étude chorégraphique menée avec un groupe de non-danseurs (enfants, ados et adultes) s’étant échelonnée sur un an. Elle est également le fruit d’une étroite collaboration entre la chorégraphe, les interprètes Isabelle Chevrier et Claudia Fancello, le tromboniste Scott Thomson et la costumière Dagmara Stephan.
Du 13 au 16 novembre
À Tangente