Rencontre: Patrice Dubois et Martin Labrecque : Il était une fois en Amérique
Scène

Rencontre: Patrice Dubois et Martin Labrecque : Il était une fois en Amérique

L’invasion des Martiens sur Terre? C’est arrivé pour vrai, au moins pour quelques minutes dans l’esprit des 1 750 000 auditeurs qui, en 1938, ont écouté l’adaptation radiophonique de La Guerre des mondes de H.G. Wells. Derrière ce légendaire canular, le colossal Orson Welles. Hommage.

Ne cherchez pas d’anniversaire particulier ou autre récupération lucrative. Patrice Dubois et Martin Labrecque, du théâtre PàP, ne sont à la remorque d’aucune entreprise commerciale. Avec Everybody’s Welles, la petite équipe désire seulement nous faire part d’une passion pour un monument sans prétendre nous enseigner ou démontrer quoi que ce soit. "Tout ça est venu au fil de discussions, raconte Patrice Dubois. Ce n’est pas la volonté de saluer le personnage. La fascination est plutôt pour l’homme. Il s’agit d’un questionnement, d’un intérêt. Le projet s’est développé naturellement, sans forcer. En fait, tout ça est parti d’un geste d’amateur."

S’éloignant du sacro-saint courant de la spécialisation, les deux jeunes hommes ont adopté une attitude très Welles en développant leur polyvalence, leur côté artisan. L’amateurisme? "Dans le mot amateur, il y a le mot amour, avance Martin Labrecque, et Welles s’est toujours défini comme un amateur plutôt qu’un professionnel." Il est donc question de prendre les choses à coeur plutôt que de se prendre au sérieux. "C’est que si on aborde la matière en amateur, renchérit Patrice, on garde toujours un regard neuf. On entre neuf dans le sujet au lieu de rester à distance et de dire: ça, je connais." Ces artistes privilégient la manière de l’artisan qui se questionne plutôt que la dimension arrêtée du professionnel. "C’est une longue démarche, poursuit-il, nous présentons donc, sans prétention, l’étape ou le palier où nous sommes rendus."

Si Orson Welles fut le premier réalisateur à faire figurer au générique le nom de son directeur photo, Greg Toland, et que, depuis, ceux qui occupent cette fonction sont parfois élevés au rang de stars, la collaboration proposée par Everybody’s Welles fera peut-être date dans le milieu théâtral québécois. L’association n’est pas courante: l’un est comédien, metteur en scène et auteur; l’autre, concepteur d’éclairages. Patrice Dubois, qu’on peut voir à la télévision interpréter le Victor des Poupées russes, a joué dans le Macbeth de Frédéric Dubois, dans Et Vian! Dans la gueule et Brèves de comptoir. S’il se présente seul en scène pendant une heure vingt pour ce spectacle, c’est fort de l’expérience Here lies Henri, un spectacle solo qu’il présentait au Théâtre La Chapelle en 2000. Martin Labrecque, lui, a entre autres travaillé sur Oreste et sur L’Homme en lambeaux, pour lequel il a remporté le Masque des éclairages. Il y a quelques semaines, il assurait les effets de lumière pour Gagarin Way à La Licorne. "Je suis devenu éclairagiste en sortant de l’Option-théâtre du Collège Lionel-Groulx, en 1994, avance-t-il. Je n’ai pas suivi un maître pendant 10 ans comme certains le font en Europe. Ici, on devient rapidement un professionnel, tout comme on se fait pousser rapidement."

Le spectacle, d’ailleurs, traite du rapport au maître et de la transmission des savoirs. Invité par Claude Poissant, le duo est très reconnaissant à celui-ci, qu’il considère comme un mentor. "Voilà quelqu’un de généreux qui a offert sa structure, ses moyens et outils théâtraux. Il a su nous faire bénéficier de ses 25 ans d’expérience (nous n’en avons que 10 dans ce milieu, souligne Patrice) et se dégager comme un sage, nous donnant une grande liberté. Il y a trop peu de gens comme lui. Souvent, les artistes se retrouvent avalés par les structures, devenues des monstres, et ils n’arrivent plus à transmettre leurs savoirs."

Orson Welles, en grand amateur, était calé en tout. Il avait une vision globale. "On passe par ce personnage pour parler de l’Amérique dans laquelle on vit aujourd’hui, affirme Patrice. On travaille aussi avec les moyens de communication. Lui, il a été un précurseur: il avait compris les médias et les utilisait. C’est un calque de son époque. Welles est l’image même de l’individu; c’était un penseur autonome, un artiste autonome, un faiseur autonome. Tout était à sa manière, à son rythme."

Invitation à vivre ce rythme et cette manière, inimitables.

Jusqu’au 29 novembre
À l’Espace Go
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