Danzahoy : Développement urbain
Scène

Danzahoy : Développement urbain

La sixième édition de la série Danse Danse s’ouvre sur la présentation du spectacle Exodo, de la compagnie vénézuélienne Danzahoy. Un voyage exotique où rythme et passion sont au rendez-vous.

Il y a six ans, quatre leaders administratifs à la tête de quatre grandes institutions artistiques prenaient une heureuse initiative. Marie-Andrée Roussel, Paul Tanguay, Pierre Desmarais et Francine Bernier souhaitaient mettre sur pied une compagnie de diffusion ayant pour but de présenter chaque année, devant un public plus large que celui des petites salles habituelles, une saison entière réunissant plusieurs grosses pointures de la danse contemporaine. Phénomène inexistant, à l’époque, en dehors du FIND (qui n’apparaissait qu’aux deux ans). Avant de devenir Danse Danse, le nouvel organisme allait d’abord porter le nom de LOMA, faisant référence aux premières lettres de ses quatre institutions mères: La La La Human Steps, O Vertigo, Marie Chouinard et l’Agora de la danse.

En 2000, l’entreprise deviendra assez importante pour nécessiter l’emploi de deux codirecteurs artistiques: Pierre Desmarais et Clothilde Cardinal. Leur mandat: poursuivre le développement d’un public élargi en danse contemporaine. Ceci, en favorisant le plus possible la présentation d’oeuvres différentes de ce qu’on peut retrouver lors des éditions du FIND ou à l’intérieur de la programmation régulière des petites salles (Tangente, Studio de l’Agora, etc.). Cette vision artistique semble avoir porté fruit, car la saison 2003-2004 compte, jusqu’ici, 1350 abonnés. Un nombre encourageant pour le milieu de la danse contemporaine.

C’est donc dans cet esprit d’ouverture sur la différence que nous arrive maintenant, du Venezuela, la compagnie Danzahoy, fondée en 1980 par deux soeurs: Luz et Adriana Urdaneta. Cette troupe, qui a tout d’une affaire de famille, compte, depuis sa fondation, la présentation de plus de 50 chorégraphies, dont 30 créations originales. Aussi gère-t-elle en parallèle, depuis ses débuts, une école de danse à Caracas, dont la visée première est la transmission de son savoir aux jeunes du pays.

Pour les deux chorégraphes-fondatrices, le patrimoine est important. Ceci, dans la mesure où il s’inscrit dans un contexte évolutif qui favorise son application au sein de la contemporanéité. La pièce Exodo, créée par Luz Urdaneta pour les 20 ans de la compagnie, en est un exemple concret car elle allie avec brio, à l’intérieur d’un vocabulaire des plus contemporains, le joropo (danse traditionnelle vénézuélienne) et l’attitude propre au tango.

Le thème de cette oeuvre est, comme son titre l’annonce, l’exil de l’âme. Une thématique qui sert également de moteur à l’univers lyrique du tango, dont la musique plaintive est, dans la plupart des cas, accompagnée de bandonéon (petit accordéon de forme hexagonale). C’est au rythme des airs poétiques du compositeur contemporain Rodolfo Mederos et des légendaires Gardel, Piazzolla et Fedel qu’évoluera ce spectacle évoquant la mélancolie et la nostalgie associées au déracinement.

Si l’on en croit le document présentatif rédigé par la compagnie, il s’agirait d’une oeuvre résolument urbaine, en ce sens qu’elle reflète "la vie de l’homme contemporain qui a enfermé ses occupations dans des murs durs et froids". Aussi y est-il écrit, d’une manière plutôt convaincante et révélatrice: "L’ambiance de l’oeuvre nous fait voir le noir comme couleur par excellence de la négation, de l’obscur et du sordide, de la douleur. Le dépouillement de l’espace scénique symbolise l’aridité et le vide, tandis que l’éclairage est dynamique, changeant et fortement expressif. Ce contraste évoque les contradictions de l’homme latino-américain actuel, enraciné dans une émotivité, parfois déboussolé, entouré de modèles culturels qui le tournent vers l’étranger, mais qui sont aussi synonymes de modernisme et d’avancement technologique."
Selon les soeurs Urdaneta, la philosophie du tango propose un climat propice à une telle réflexion ontologique. Il s’agit donc d’un spectacle dont l’intelligence et la splendeur sauront probablement nous divertir autant que nous faire réfléchir.

Du 20 au 22 novembre
Au Centre Pierre-Péladeau