Meurtre : Critique: Meurtre
Scène

Meurtre : Critique: Meurtre

Jusqu’au 22 novembre
Au Théâtre Périscope

Que se passe-t-il dans la tête d’un criminel? Voilà ce qu’explore la pièce Meurtre de la Française Martine Drai, inspirée des événements survenus en 1984, alors qu’un homme armé est entré à l’Assemblée nationale, tuant trois personnes et en blessant huit autres.

Mise en scène par Gill Champagne, la pièce, sans condamner, ni louer le geste, invite à parcourir avec le meurtrier ses dédales intérieurs: blessures d’enfance, souffrances qui, créant peu à peu dans sa tête des "champs de bataille", comme il le dit lui-même, finissent par devenir intolérables et le mènent, pour s’en défaire, à commettre le pire.

Audacieuse, la pièce l’est par son sujet; elle l’est aussi par son traitement. Construite comme un collage, Meurtre avance à coup d’images et de monologues, présentant des morceaux d’interrogatoires, des souvenirs, des réflexions. Sur scène, trois comédiens, incarnant différents personnages.

Le tout prend place dans un espace aux murs gris sombre, évoquant différents lieux grâce aux jeux d’éclairage et aux déplacements des comédiens. La scénographie de Jean Hazel ajoute, à la proposition faite lors du Carrefour international de 2002, une dimension singulière. Construits en angle, deux corridors larges et courts, bordés de vitres servant de miroirs ou de fenêtres, se rejoignent; l’extrémité de chacun s’ouvre sur la salle, divisée en deux. En entrant, le public choisit de s’asseoir devant l’une ou l’autre de ces ouvertures, disposant alors d’une vision forcément partielle. Mais toute vision ne l’est-elle pas?, semble dire la pièce.

Linda Laplante, laissant filtrer, chez la soeur de l’accusé, une impression de fêlure, et Yves Amyot, touchant de retenue en mari de la victime, adoptent, pour jouer les autres personnages, un ton neutre, assez froid, renvoyant constamment, et très efficacement, le spectateur à sa propre réflexion. Dans le rôle du Caporal Pierre Denis, le meurtrier, Jean-Sébastien Ouellette offre une prestation étonnante. Il transmet avec force l’angoisse du personnage, peu à peu submergé par le malaise, la fragilité de son équilibre, sa perte de contrôle, son illusion de force invincible. Dans le texte et dans le jeu, le personnage apparaît aussi, paradoxalement – et c’est peut-être ce qui le rend bouleversant -, un peu naïf, préoccupé du respect des règlements et d’autrui. C’est dans ce contraste, entre le souci de l’ordre et le désordre affreux de son geste, que réside l’un des aspects les plus troublants de ce spectacle percutant. Et c’est là qu’on se pose, avec l’auteure, une question sans réponse, un peu vertigineuse, qui fascine et repousse à la fois: d’où vient ce mal? et pourquoi?