Edmond Dantès : À bon port
Scène

Edmond Dantès : À bon port

Le passage à la scène d’un roman aussi démesuré que Le Comte de Monte-Cristo n’est pas une mince tâche. Les aventures de son héros, Edmond Dantès, sont aussi innombrables que cruciales à la compréhension de ses agissements. Si les embûches étaient nombreuses sur la trajectoire des artisans du spectacle présenté au Théâtre Denise-Pelletier, ces derniers ont pourtant livré la marchandise avec beaucoup de doigté.

Elizabeth Bourget signe une adaptation limpide qui parvient, dès les premiers instants du spectacle, à éclaircir les enjeux et l’intrigue de cette histoire au long cours. Pour arriver à ses fins, elle mise sur les explications que nous fournissent, tout naturellement, les membres de cette troupe qui joue pour nous la vie de Dantès. Les acteurs vont ainsi faire des révélations en aparté, condenser des pages entières du roman en quelques mots ou encore résumer des conjonctures historiques complexes en les proclamant comme des crieurs publics le feraient avec les manchettes du jour. Ces passe-droits narratifs non seulement instaurent un rythme qui profite au spectacle, mais ils parviennent à transmettre de l’information avec fraîcheur et intelligence. Savant dosage d’humour, de mystère et de romantisme, l’adaptation est pour beaucoup dans la réussite de ce spectacle.

Dès l’entrée dans la salle, le cadre portuaire de l’action s’incarne dans la représentation très sobre d’un bateau accosté. Le dispositif scénique imaginé par Patricia Ruel, une structure de bois entourée d’eau et surmontée d’une ingénieuse toile, réussit à évoquer, à l’aide de portes coulissantes et de passerelles, des lieux aussi divers que la prison du château d’If et la grotte de l’île de Monte-Cristo. Si le contexte maritime du spectacle s’avère si convaincant, c’est aussi grâce à l’aisance dont les acteurs font preuve dans cet espace aux dénivellations prononcées. À les voir ainsi grimper et gravir ou encore se saisir de ballots, caisses et paniers avec autant de naturel, on a l’impression d’avoir affaire à de vrais marins.

Si François-Xavier Dufour interprète un Dantès honnête, il pèche parfois par excès d’impétuosité en rendant son personnage exagérément volontaire. On voudrait sentir un peu plus de sérénité chez un homme qui mûrit sa vengeance depuis de si nombreuses années. En revanche, le Danglars de Geoffrey Gaquere est particulièrement bien tracé. En misant sur des postures et des intonations qui campent à merveille le dandy opportuniste qu’il incarne, l’acteur impressionne par sa rigueur et offre des moments de franche rigolade. Il faut aussi souligner le talent de Jean-Robert Bourdage, qui donne aux deux personnages secondaires qu’il soutient une authenticité peu commune.

La performance de la plupart des comédiens et le rythme agréablement nerveux imposé par la mise en scène de Robert Bellefeuille constituent les rouages les mieux huilés de ce spectacle. Malgré les quelques faiblesses que présente la deuxième partie, les personnages tangibles impliqués dans cette saga au déroulement inéluctable nous restent en mémoire longtemps après la représentation.

Jusqu’au 29 novembre
Au Théâtre Denise-Pelletier
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