Petit Théâtre sans importance : Critique Petit Théâtre sans importance
Jusqu’au 29 novembre
À la Maison de la culture et de l’environnement de Salaberry
Que de fraîcheur dans ce Petit Théâtre sans importance, troisième pièce de la saison de Premier Acte! Le Théâtre de Passage tient là, pour le baptême de la compagnie réunissant des finissants de la promotion 2003 du Conservatoire de Québec, un vrai bonbon.
Un espace en long tient lieu de scène, entre deux estrades pour les spectateurs. S’y trouvent deux patères, un divan à structure modifiable, quelques accessoires. Avec ces objets – autant dire presque rien -, des jeux d’éclairage (Jennifer Tremblay) et un fond musical et sonore (Christian Michaud), les comédiens créent différents lieux, changent de personnages et racontent les cinq histoires qui tissent le texte de Gildas Bourdet. Sous l’impulsion du metteur en scène Frédéric Dubois à qui la compagnie a fait appel, et qu’assiste Véronique Daudelin, le texte a été découpé en quelques scènes qui, entremêlées, livrent peu à peu chaque histoire. Évoquant la simultanéité des actions, le morcellement des scènes fait de cette pièce un spectacle hautement ludique par sa trame, et par les changements qu’elle impose.
Petit Théâtre sans importance nous fait plonger dans l’intimité de 10 personnages. Scènes banales au départ, mais devenant pour chacun des moments singuliers, les tableaux parlent de solitude, de jeux de séduction et de pouvoir, de difficulté de communiquer et d’être à deux. Différents sujets, différents registres: dramatique, mi-amer ou franchement comique, en passant par la fantaisie et l’absurde. D’une scène à l’autre, les comédiens se transforment et, par les seules – et puissantes – ressources du jeu (énergie, gestuelle, mimiques), deviennent pratiquement méconnaissables.
Jonathan Gagnon et Maryse Lapierre, talentueux et bien dirigés, offrent une prestation impressionnante. En effet, la mise en scène, dynamique, exige d’eux rapidité dans les changements, et concentration sans faille. Interpréter cinq personnages totalement différents en une soirée est en soi un défi; sauter de l’un à l’autre, le retrouver, chaque fois, exactement où on l’a laissé et reprendre le ton juste tient par moments de la haute voltige. Outre le plaisir que procurent les situations et la finesse du texte, cette habileté des interprètes est parfaitement réjouissante.
Plus qu’un exercice de style brillamment réalisé, ce spectacle inventif, plein d’humour et de sensibilité, raconte avec efficacité une histoire – cinq histoires, en fait. Et nous ramène à l’essence fascinante du théâtre: son pouvoir d’évoquer, avec presque rien, des univers. On se laisse prendre au jeu, et on en redemande.