Le Testament du couturier : De fil en aiguille…
C’est à une époque où l’on envisage l’avenir en reniant le passé, où les femmes se consolent de la sexualité prohibée par des thérapies érotologiques; dans un lieu où les êtres sont créés génétiquement, où l’on isole hypocritement la maladie, une ère où l’humanité est menacée… Bienvenue dans l’univers futuriste du Testament du couturier du Théâtre la Catapulte.
Cette pièce énigmatique de science-fiction est l’ouvre audacieuse de l’Ontarien Michel Ouellette qui, après avoir lu un essai sur le sida, s’en est inspiré pour pondre un texte riche traitant de virus qui s’attaquent au corps, aux ordinateurs et à l’esprit.
Il a en fait créé un univers du futur où règnent l’informatique, la cybervision et la maladie: un marchand de tissu apporte un jour le patron d’une robe du XVIIe siècle à son ami tailleur, Mouton. Curieux, celui-ci complète la robe inachevée et tombe dans le piège d’un amour inavoué qui réveillera des forces menant à la destruction de la Banlieue, voire de l’humanité.
La production marque le retour d’une complicité artistique inébranlable, celle du metteur en scène Joël Beddows et de la comédienne Annick Léger, qui avait été prouvée en 1999 dans la pièce Faust: Chroniques de la démesure.
Seule sur scène, Annick Léger incarne cinq différents personnages qui échangent en un dialogue simple, les répliques de leurs interlocuteurs ayant été biffées. "Au fur et à mesure que la pièce avance, les changements entre les personnages s’accélèrent. C’est comme un tourbillon. Au début, je me sens davantage comme un conteur mais, éventuellement, les personnages prennent plus de place et je dois de plus en plus m’engager", explique l’unique comédienne de la pièce, qui constate à quel point les représentations sont exigeantes.
Étonnamment, le propos du Testament du couturier soulève d’importantes questions philosophiques contemporaines, malgré son caractère futuriste. "On ne laisse plus de place au chaos dans notre société. En fait, il y a un grand drapeau dans cette pièce qui dit: "Réveillez-vous, il y a des tendances en ce moment qui sont dangereuses!" On est en train de contrôler la manipulation de nos gènes. Quelle connerie!" lance Joël Beddows.
Selon les deux artisans, le public ne peut rester passif devant ce drame où les silences sont prédominants: "Je n’ai pas l’intention de sous-estimer l’intelligence de mon public. J’ai toujours dit qu’au Théâtre la Catapulte, l’intellect devait être considéré comme un plaisir au même titre que le rire ou le drame. Je pense que c’est une pièce qui s’inscrit très bien dans cette démarche", soulève le metteur en scène, qui est aussi le directeur artistique de la troupe.
C’est également le défi qu’attendait Annick Léger depuis longtemps: "Cette production regroupe des éléments qui me fascinent au théâtre: l’importance des silences et la rareté des rôles masculins interprétés par des femmes."
"Toute histoire est trouée, que ce soit un roman, une pièce, un tableau, même la musique; il y a toujours des éléments qui manquent. L’intérêt pour nous, c’est de combler ces vides", conclut Joël Beddows.
Jusqu’au 29 novembre
Au Théâtre Périscope
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