Rencontre: Anne Le Beau : Agents de rencontre
Scène

Rencontre: Anne Le Beau : Agents de rencontre

Danse-Cité présente Le Beau fait la bête. Un triptyque chorégraphié à l’intention d’ANNE LE BEAU, par trois créateurs invités. Le thème: la rencontre d’une partie de soi-même à travers l’autre.

L’entité presque virtuelle dont on parle, quand on prononce le nom Danse-Cité, est-elle une compagnie de diffusion? De production? Quel est son mandat, plus précisément? "En fait, c’est une compagnie atypique, me répond Nicole Blouin, responsable des communications. En ce sens qu’elle n’a pas de dénomination précise, parce qu’elle n’exerce pas qu’une fonction spécifique."

Nicole Blouin est restée avec nous durant l’entrevue, prenant des notes, visiblement intéressée par les éclaircissements qu’Anne Le Beau donnait sur son processus de création. Je sens que ce dernier point lui tient à coeur. Je la laisse poursuivre: "En fait, Danse-Cité est la seule compagnie qui offre la possibilité aux interprètes de choisir les paramètres de la création. C’est-à-dire leurs chorégraphe(s), partenaires (si désiré) et autres collaborateurs. Cela s’appelle leur donner Carte blanche. Nous sommes également là pour les guider dans ce processus de création. Aussi, Danse-Cité favorise l’implication d’artistes de différentes sphères et l’investissement de lieux de diffusion alternatifs."

Reconnaître la part de l’interprète dans la création chorégraphique, ainsi qu’explorer les horizons du métissage et les nouveaux espaces de production artistique, voilà des objectifs qui sont au centre des préoccupations de Daniel Soulières (l’un de nos danseurs aînés et mentors en danse contemporaine montréalaise), fondateur et directeur artistique de la compagnie qui existe depuis maintenant 22 ans.

"Ma toute première chorégraphie professionnelle, raconte Anne Le Beau, c’est avec Daniel que je l’ai dansée, à la fin des années 80. Il s’agissait de la pièce De l’Éden au Septentrion, de Sylvain Émard. Depuis ce temps, Daniel m’a toujours suivie de près. Cette fois-ci, il a senti que c’était le moment de me proposer une Carte blanche.

"J’avais envie de danser avec des gens que j’aime, et avec qui je n’avais jamais dansé auparavant", me confie la danseuse. Voilà qui justifie la présence à ses côtés de Mathilde Monnard dans la pièce Osselets, chorégraphiée par Alain Francoeur, et de Marc Boivin dans Parle-lui, chorégraphiée par Dominique Porte. La troisième partie du triptyque, intitulée De chair et chorégraphiée par Brigitte Haentjens, est pour sa part un solo.

Corps étrangers
La première pièce, Osselets, construite à partir d’improvisations en studio, touche au rapport intime entre deux personnes. Entre deux femmes, plus précisément. Une qui a les yeux fermés et l’autre qui lui sert de guide à travers la pièce. Les deux femmes sont toujours en contact l’une avec l’autre. "Étant donné que j’ai les yeux fermés, mon espace-temps est complètement différent, m’explique Anne Le Beau. La notion de danger étant constamment présente, ça établit un rapport de confiance important. Ça donne une pièce d’atmosphère où l’espace-temps est étiré. C’est comme un élastique sur lequel tu tires, tu tires, tu tires, jusqu’à sa limite d’élasticité… puis tu relâches. Et tu recommences, en allant toujours un peu plus loin."

Dans Parle-lui, il s’agit également d’un duo, mais qui ne doit pas nécessairement se lire, selon la danseuse, comme une relation amoureuse entre deux amants. Plutôt une relation entre un frère et une soeur, ou entre deux amis. Deux personnes, dans un même espace, qui essaient de se rencontrer. "On a travaillé à partir de photos de nous quand on était jeunes. Puis, on a adapté le produit de ces improvisations à la gestuelle de Dominique Porte, qui est plus abstraite et formelle. Ça donne un mélange de danse et d’états intéressant. Je dirais que la pièce traduit une urgence. Celle d’une rencontre qui ne semble pourtant jamais facile ni complètement fusionnelle."

De chair est le fruit d’un travail plus théâtral. "On est parties d’images de femmes. De stéréotypes qu’on a déconstruits. Puis on a dépouillé au maximum. Ce qui donne une gestuelle assez détachée de toute forme de codification. Le mouvement finit donc par représenter un état… ça donne une femme dans tous ses états (rires). Dans cette pièce, j’ai l’impression de dévoiler une intimité que je n’ai jamais dévoilée auparavant. Et même si c’est traité en partie de manière humoristique, parfois on rit jaune…"

Dans aucune des trois pièces il n’y a de scénographie, hormis les repères que sont la musique de Bernard Falaise, les éclairages de Marc Parent et les costumes de Louis Hudon – qui s’annoncent comme une agréable surprise, selon Anne Le Beau.

Du 3 au 6 et du 10 au 13 décembre
À l’Espace Libre